Fallen Angels, les fantastiques années 90


De La Quatrième Dimension aux innombrables œuvres de Ryan Murphy, on connaît le goût de la télévision américaine pour les séries anthologiques. Dans ce sous-genre fertile, Fallen Angels occupe une place relativement à part. Chapeautée par Sydney Pollack, diffusée sans trop de bruit sur la chaîne câblée Showtime puis tombée dans un relatif oubli, elle tombait pourtant à point nommé : quelques années avant, des films comme Les Incorruptibles ou Miller’s Crossing avaient ravivé l’intérêt du public pour le film noir, sans même parler de l’engouement avec le recul difficilement explicable pour le swing et les zoot suits qui survient à la même époque.

Le concept de Fallen Angels était relativement simple : prendre des nouvelles de grands auteurs du polar et les faire adapter par des réalisateurs de premier plan. Ces romanciers, ce sont ceux qui firent chez nous les beaux jours de la Série noire de Marcel Duhamel ou de la collection Rivages/Noir : Raymond Chandler, James Ellroy, Mickey Spillane, Dashiell Hammett… La liste des cinéastes convoqués donne à peine moins le tournis : Peter Bogdanovich, Steven Soderbergh, Alfonso Cuaron, Agnieszka Holland ou John Dahl. Sans oublier un réalisateur débutant qui ne repassera plus jamais derrière la caméra, un dénommé… Tom Cruise !

L’interprétation n’est pas en reste, et l’on sent chez les acteurs et actrices un vrai plaisir – contagieux – à l’idée de sortir un peu de leur zone de confort cinématographique. Mentions spéciales – et partiales – à (l’oscarisé) Brendan Fraser en assassin froid comme la mort, à Miguel Ferrer en gangster hanté par ses démons, et à Christopher Lloyd, éternel Doc Brown, en détective privé opiniâtre. Ce n’est pas encore tout à fait Oz ou Les Soprano, mais on pressent déjà cet idée du médium télévisuel qui émerge comme alternative à certains rôles de ciné trop formatés.

En plus de ce name-dropping qui revient à énumérer le Bottin du cinoche de l’époque, il faut, pour comprendre la réelle valeur de Fallen Angels se souvenir de ceux qui en furent à l’origine : Propaganda Films et son dirigeant Steve Golin. Si ces noms restent encore confidentiels, on doit pourtant à Propaganda une flopée de clips pour Madonna ou Janet Jackson, d’avoir lancé les carrières des ex-pubards Michael Bay, Spike Jonze et David Fincher, et surtout d’avoir inventé en bonne partie l’esthétique 90s. La série se lit déjà comme un succédané des tendances de l’époque, entre grandes idées de petits malins, fulgurances visuelles et érotisme de roman de gare. Fallen Angels est en fait aux grands films noirs comme Les Fantastiques années 20 ou L’enfer est à lui ce que le rococo est au baroque : une relecture à la fois séduisante et superficielle.

Fallen Angels, Steve Golin, 1993-1995. Avec : Gary Oldman, Tom Hanks, Bill Pullman, Laura Dern, Diane Lane.

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