La Syndicaliste, réalité et fission
À l’ombre des centrales nucléaires,
c’est l’éternel combat entre David et Goliath qui se rejoue. Ici, ce bras-de-fer oppose Areva, le géant du nucléaire français, à la syndicaliste
éponyme, la battante Maureen Kearney, interprétée par une Isabelle Huppert en
majesté. On connaissait Jean-Paul Salomé auteur d’aimables pochades (Restons
groupés, Je fais le mort) ou de blockbusters adaptés du patrimoine français
(Belphégor, Arsène Lupin), on le retrouve ici en chroniqueur social.
Avec, en bandoulière, ce nouveau héros de l’ère moderne qu’est le lanceur d’alerte,
qui a le mérite de rabibocher – plus ou moins harmonieusement – le film de
genre et le film engagé.
La Syndicaliste est
de fait un film deux-en-un : la première heure s’attache à dépeindre les
guéguerres de clochers et d'égos suivant le départ d’Anne Lauvergeon (Marina Foïs, au
poil), tandis que la deuxième tient davantage du thriller psychologisant, avec
son lot de faux-semblants hitchockiens et de coups de théâtre. L’une comme l’autre restent
hélas beaucoup trop sages. Même l’idée d’avoir casté Huppert tient finalement presque
de la balle dans le pied, tant La Syndicaliste rappelle – en moins
bien – certains de ses plus beaux rôles d’hier, en premier lieu desquels Elle,
le thriller vénéneux et implacable de Paul Verhoeven. Et l’on ne peut s’empêcher d’imaginer
ce qu’un cinéaste truculent et franc-tireur comme Chabrol, jadis grand
Pygmalion de l’actrice, aurait fait d’un sujet inflammable comme la liquidation
d’Areva, ou « chute du nucléaire français » comme on dit
emphatiquement au service titraille du Point. (Son film L’ivresse du pouvoir chassait peu ou prou sur les mêmes plates-bandes). Car, dans
cette chronique d’une mort annoncée, celle d’une industrie entière, pas besoin de
forcer le trait pour empiéter sur le film noir ; en tout cas pas avec un
voyoucrate comme Henri Proglio en Grand Méchant Loup.
De ce film en forme de rendez-vous manqué, on retiendra surtout la galerie de seconds rôles : Pierre Deladonchamps, hélas trop vite sacrifié dans un rôle unidimensionnel, le trop rare Yvan Attal et surtout Grégory Gadebois, toujours épatant.
La Syndicaliste, Jean-Paul Salomé, 2023. Avec : Isabelle Huppert, Grégory Gadebois, Yvan Attal, Marina Foïs, Pierre Deladonchamps.
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