C'est mon homme, guerre et plaies
Au tournant des années 1920, la
France se reconstruit après la « Grande » Guerre et les soldats
meurtris rentrent chez eux. Un contexte mortifère qui inspiré le cinéma
français plus d’une fois, de La Vie et rien d’autre à Un
long dimanche de fiançailles en passant par La Chambre des
officiers. Ici, le primo-cinéaste Guillaume Bureau y rajoute un
suspense emprunté au thriller : qui est-il, cet homme revenu du front
amnésique ? Est-il Delaunay, taiseux photographe du littoral breton, ou
Brunet, placide garçon de salle et lanceur de couteaux du gai Paris ?
Partant de ce postulat sous
tension, Bureau tisse une étude de mœurs qui fait, très logiquement, la part
belle au talent de ses interprètes. Sans abuser des figures trop usitées du type
« la maman et la putain », le film offre à Leïla Bekhti et la trop
rare Louise Bourgoin des rôles de femmes à la fois fortes et vulnérables,
blessées et résilientes. Sans oublier, bien sûr, Karim Leklou, omniprésent
en ce début d’année 23 (voir les très réussis Pour la France et Goutte
d’or), qui est discrètement, subtilement, en train de s’imposer comme
l’un des acteurs les plus solides du cinéma français actuel, qui tient un rôle
tout en demi-tons, entre la rage sèche et l’incompréhension.
On pourrait reprocher au
réalisateur d’être trop déséquilibré dans le traitement de ses personnages, de
laisser entrevoir, par la façon dont il ménage l’une et l’autre des deux
femmes, le dénouement final un peu trop prématurément. Mais peut-être la vérité
est-elle ailleurs ? Peut-être est-elle dans le portrait d’un homme qui se
fait celui d’une nation. Un pays qui ne sait plus trop sur quel pied
danser - la gravité ou la légèreté -, et préfère se réfugier dans
l’effervescence des années folles pour mieux oublier ses maux.
C'est mon homme, Guillaume Bureau, 2023. Avec : Karim Leklou, Leïla Bekhti, Louise Bourgoin, Jean-Charles Clichet.
Et pour poucer, commenter, réagir à un chouette blog : Sitcom à la Maison !