Júlia Murat, cinéaste : "Le tissu social brésilien est marqué par un machisme et un racisme profondément enracinés"

Comment ce film a-t-il vu le jour ? Qu'est-ce qui vous a amené à aborder ce sujet, lié à la jeunesse brésilienne ?

Júlia Murat : Vers 2015, j'avais le désir de créer un film abordant la sexualité, éventuellement dans l'industrie pornographique, mais je ne savais pas trop par où commencer. Au gré de mes recherches, j'ai découvert un documentaire sur l'industrie pornographique américaine, avec une interview de l'actrice Sasha Grey. Dans cette interview, elle explique que pour elle, le porno représente aussi un moyen de prendre des risques et de repousser ses limites physiques et intellectuelles. En voyant cette interview, j'ai finalement compris ce que je cherchais et j'ai commencé à développer le personnage de Simone, qui donne corps à cette idée de repousser ses propres limites.

Néanmoins, en replaçant ce personnage dans le contexte brésilien, j'ai pris conscience de la difficulté à avoir cette discussion sur les désirs du risque et de la violence dans un pays où les violences domestiques coûtent leur vie à tant de femmes.

L'un des principaux thèmes du film est le fonctionnement du système judiciaire brésilien, qui peut être justement injuste et violent. Quelles en sont les raisons ? La situation s'est-elle aggravée au fil des ans ?

Júlia Murat : Lorsque j'ai compris que mon film tournait autour de la contradiction entre les désirs personnels de liberté et les attentes de la société, j'ai commencé à chercher un environnement qui pourrait représenter efficacement ce paradoxe. Le système pénal m’est apparu comme un bon exemple de cette contradiction sociétale, car il sert à la fois de mécanisme de contrôle et de jugement. Cette contradiction inhérente peut être observée dans les systèmes judiciaires de diverses sociétés occidentales.

Cependant, le système pénal brésilien est encore plus contradictoire que les autres, car il opère dans une société caractérisée par une importante inégalité des revenus, une exploitation historique et des pratiques d’extractions. Le tissu social brésilien est marqué par un machisme et un racisme profondément enracinés, ce qui ajoute encore à cette complexité du système pénal.

Pour certains auteurs, comme Adilson Moreira, il existe au Brésil ce que l'on peut appeler un "racisme cordial". Quel est votre point de vue à ce sujet ? Quel est son impact sur les populations très diverses de ce pays ?

Júlia Murat : Je suis tout à fait d'accord avec cette idée que la société brésilienne utilise souvent l'humour et la légèreté comme moyen d'exprimer son hostilité à l'égard des minorités raciales. Cette forme de racisme est particulièrement difficile à combattre parce qu'elle n'est pas manifeste ou explicite. Au contraire, elle opère en masquant les dynamiques de pouvoir et les actes de violence.

Il y a beaucoup de scènes intimes dans le film, ont-elles été plus difficiles à tourner ? Comment avez-vous travaillé avec vos acteurs et actrices pour ces scènes ?

Júlia Murat : On peut dire que le tournage a été construit autour de ces scènes. Nous avions deux idées principales : d’abord, créer un environnement de confiance et un espace dans lequel nous pouvions respecter les limites des acteurs. Ensuite, faire en sorte que ces scènes s'intègrent parfaitement aux scènes de vie quotidienne du film.

Pour y parvenir, nous avons privilégié deux approches. Tout d'abord, nous avons répété pendant un mois, répétitions au cours desquelles nous avons tout fait pour créer une intimité entre les acteurs, Gabriel [Bortolini, réalisateur de la seconde équipe, NDLR] et moi-même. Par ailleurs, nous avons structuré le calendrier de tournage en deux espaces de production distincts. Une partie intégrait toutes les scènes de l'appartement de Simone – y compris les scènes de sexe – tandis que l'autre concernait les cours de droit, les bars et les fêtes. De cette manière, nous avons pu travailler avec une équipe réduite pour la première partie du film et une équipe plus traditionnelle pour la seconde.

Et pour poucer, commenter, réagir à un chouette blog : Sitcom à la Maison !

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards