Les Fantômes d'Istanbul, électrique cité
En octobre 2020, une énième panne
de courant paralyse plusieurs quartiers de la plus grande ville de Turquie. Cet
événement banal, quotidien, pour ses habitants, Azra Deniz Okyay s’en sert pour
construire la métaphore des Fantômes d’Istanbul : cette
incurie, ce dérèglement, ce dysfonctionnement, ce sont aussi ceux du pays tout
entier. De ses quartiers ghettoïsés, de ses habitants qui ne se parlent ni ne
se comprennent plus. De cette jeunesse que le pouvoir étatique préfèrerait voir
se taire.
Le procédé scénaristique a déjà fait
ses preuves : en 24 heures, les destinées d’une poignée de personnages – une
jeune danseuse, une mère aux abois qui plonge dans le trafic de drogue, un marchand
de sommeil, une éducatrice pour enfants – se croiseront et s’entrechoqueront,
jusqu’à dessiner une journée particulière, funeste ou tristement ordinaire. Alors
qu’en fond, on peinturlure de couleurs criardes cette chimérique
« Nouvelle Turquie ». Vraiment ? « Les élus ressassent
rénovation ça rassure, mais c'est toujours la même horreur, derrière la
dernière couche de peinture » comme aurait dit Akhenaton…
Premier long-métrage d’une cinéaste passée par le court-métrage et l’art visuel, sélectionné et récompensé aux
festivals de Venise et d’Antalya, Les Fantômes d’Istanbul donne à
voir une Turquie méconnue, encore très différente de celle de Nuri Bilge Ceylan
(Les Herbes sèches) ou d’Emin Alper (Burning Days).
Espérons que les sujets difficiles voire tabous abordés par le film et la
pression politique n’empêcheront pas sa réalisatrice de poursuivre son chemin après
ce coup d’essai.
Les Fantômes d'Istanbul (Hayaletler), Azra Deniz Okyay, 2023. Avec : Dilayda Günes, Beril Kayar, Nalan Kuruçim, Emrah Özdemir.
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