Quand la musique est nonne : pourquoi Sister Act est bien plus qu'un film avec des bonnes sœurs qui chantent (partie 2)

En août, le taulier de ce site prend des vacances bien méritées loin de son clavier, et laisse les clés de la boutique à sa fidèle amie Sandra Virbel Rouget, qui nous explique en quoi ce diptyque de films a tant compté pour elle.

Allez : bisous, et rendez-vous en septembre !

Les chercheurs Cristel Antonia Russell et Sidney Levy ont analysé dans leur étude intitulée La dynamique temporelle et focale de la reconsommation volontaire : une enquête phénoménologique sur les expériences hédoniques répétées ce qui nous pousse faire se réitérer une expérience, les besoins à l’origine de cette répétition et les effets produits.

Ils écrivent notamment que « bien que les consommateurs connaissent déjà les histoires ou les lieux, leur hypersensibilité et le niveau de contrôle qu'ils exercent sur l'expérience de reconsommation leur apportent une appréciation nouvelle ou renouvelée à la fois de l'objet de consommation et de leur moi reconsommateur. Cela améliore la gestion des émotions, empêche la satiété et l'érosion hédonique et, in fine, facilite l'obtention d'un résultat émotionnel satisfaisant. » Pour faire simple et imagé, regarder un film que l’on connaît, c’est rassurant – parce que l’on connaît. Et pour cause : changez sans prévenir trois notes au milieu des Lac du Connemara sans prévenir et le peuple se soulève. Le cerveau se détend mieux lorsque que la surprise et l’attente ne font pas partie de l’équation. L’assimilation de l’information se fluidifie et c’est ce que l’on appelle la régulation émotionnelle. La prévisibilité équivaut au « feel good » et le cercle vertueux de la recharge énergétique se met en branle.

Sans compter que revoir un film que l’on connaît nous renvoie au souvenir lié à sa première impression sur notre amygdale, la région du cerveau qui traite notre mémoire perceptive. Celle qui fonctionne avec nos cinq sens, stocke ce qu’elle reçoit d’une situation dans notre inconscient et est mieux connue sous le nom de madeleine de Proust. Cela fonctionne également à peu près tout ce qui touche le bout d’un de nos organes sensoriels. Le souvenir et les sens qu’il chatouille nous plonge dans une pseudo-transe de nostalgie, positive ou négative. La psychologie contemporaine appelle ça la reconsommation régressive. C’est pour ça que je me laisserai toujours surprendre par l’effet que produisent sur mes glandes lacrymales le Salve Regina des sœurs du couvent Sainte-Catherine. À. Chaque. Fois.

Un autre chercheur, Mark Joseph Stern écrivait également que « la nostalgie qui accompagne nos chansons préférées ne se réduit pas au souvenir fugace d’une époque révolue ; c’est un tunnel spatiotemporel neurologique qui nous offre un aperçu de l’époque où notre cerveau bondissait de joie en entendant la musique qui en est venue à définir qui nous sommes. Ces années sont derrière nous, c’est vrai. Mais à chaque fois que nous entendons les chansons que nous aimions, la joie qu’elles nous procuraient autrefois nous inonde à nouveau. » En d’autres termes, c’est un pèlerinage détoxifiant sur support numérique et mémoire émotionnelle auquel on s’accroche comme Scrat l’écureuil à son gland.



Ces deux œuvres sont des comédies et sont, par principe, thérapeutiques. On adore le rire, ça libère les enzymes, ça permet au cerveau de faire sa tambouille de bonheur, ça recharge. Le rire étire nos muscles de la perspective pour relativiser et déplier la cartographie de nos émotions sur la table de la résilience. La comédie, en posture de miroir, remet la tare humaine à la bonne échelle, ici, l’échec de Dolores Van Cartier, sa vie foireuse. On la fait, la comparaison avec notre échec personnel, notre vie foireuse. Surprise, ça finit bien. Et si effectivement, tout ne finit pas toujours bien dans la vie, l’espoir est gratuit et bénéfique. La comédie, c’est le morceau de sucre qui aide la médecine à couler. Dans un autre registre, le feu d’artifice cérébral déclenché à la manifestation d’une référence que l’on reconnaît, c’est un ballet cosmique de dopamine et endorphines. Vous pouvez tomber sur le plus grand des navets, si votre cerveau est réceptif au discours, il voit en lui l’élu qui fera broder le crédo sur les bannières de vos neurones. C’est chimique.

Enfin, parlons de la merveilleuse qualité que possède l'œuvre, le média, le film : le partage. Il est un ciment pour une cellule, qu’elle soit familiale, amicale ou autre et permet de constituer une mémoire commune à laquelle on se reconnecte autant pour notre bien individuel que pour l’énergie et le bien du groupe. Le film, l'œuvre est un canal de reconnexion et le visionnage, le rituel.

Et pour poucer, commenter, réagir à un chouette blog : Sitcom à la Maison !

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