Equalizer 3, barouf d'honneur

 


Longtemps, Denzel Washington a refusé de jouer dans les suites de ses propres films. La raison à cela ? Une certaine éthique de travail, peut-être, et aussi, sans doute, une volonté de ne pas tourner en rond. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’excellent Diable en robe bleue, du mésestimé Carl Franklin n’eut jamais de séquelle, quand bien même Walter Mosley, auteur du roman originel, en avait rédigé une quinzaine…

Les temps ont changé : le grand Denzel a daigné revenir dans un deuxième, puis à présent troisième volet, vendu comme un dernier tour de piste pour le redresseur de torts et citoyen presque exemplaire Robert McCall – même si, à Hollywood plus qu’ailleurs, il ne faut jamais dire jamais. Si l'ultraviolent McCall s’est vu décliner ainsi, c’est moins par demande du public que pour répondre aux nouvelles normes des films d’action hollywoodiens. Trois Equalizer, il fallait bien ça pour tenir la dragée haute aux quatre John Wick, sans même parler des sagas netflixiennes du type Tyler Rake.

La comparaison avec John Wick tourne pourtant en défaveur de Robert McCall. Dans Equalizer 3, on est loin des mouvements lyriques, aériens et de l’énergie cinétique de la saga portée par Keanu Reeves, laquelle doit autant à Tsui Hark qu’à Sam Peckinpah. Ici, le très surcoté (mais très demandé : 9 films en 10 ans !) Antoine Fuqua fait le job sans forcer son talent, et en se reposant surtout sur celui de Denzel Washington.

Grand bien lui prend, effectivement : tout l’intérêt, ou presque, du film, repose sur les épaules de l’ex-Malcolm X. Il sort des tirades majestueuses – presque des prêches –, ne se laisse jamais décontenancer par les méchants (mafieux d’opérettes sortis des Soprano), il a un charme fou face à la fliquette interprétée par Dakota Fanning. Même quand on voit qu’il a pris un petit coup de vieux, on se dit que ça sert le sujet. C’est qui le patron ? C’est lui, encore et toujours, sans l’ombre d’un doute. Quand il ne cachetonne pas dans ce genre d’objets bourrins et manichéens, Washington donne corps aux pièces de Shakespeare ou August Wilson (Fences) ; peut-être est-ce pour cela que sa faconde reste encore rudement impressionnante – contrairement à Liam Neeson, dont même le Philip Marlowe ressemblait à du Taken. Pour Denzel, Equalizer 3 ou Macbeth, même combat. Longue vie au roi.

Equalizer 3, Antoine Fuqua, 2023. Avec : Denzel Washington, Dakota Fanning, David Denman, Sonia Ben Ammar, Remo Girone.

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