Gran Turismo, du sans plomb dans la tête
Durant des décennies, les adaptations ciné de jeux vidéo se sont pris les pieds dans le tapis. Du naufrage Super Mario Bros. au médiocre Tomb Raider, des œuvres honnies d’Uwe Boll au poussif Uncharted, on les a beaucoup raillés, souvent à juste titre. C’est que, aveuglés par l’appât du gain, fermement décidés à capitaliser facilement sur les bases de marques commerciales déjà établies, les studios hollywoodiens avaient précisément oublié ce qui faisait précisément l’essence du plaisir vidéoludique : un lien ténu et unique entre la machine et le joueur, ce fameux player one toujours ready.
N’ayant pas su ou voulu recréer cette sensation, Gran Turismo (le film), trouve une parade à la fois simple et gentiment cynique : plutôt que de créer une histoire inspirée d’un jeu vidéo à succès, racontons l’histoire dudit jeu vidéo à succès. En voilà une idée qu’elle est bonne ! Dans un étrange jeu de miroirs intertextuel, c’est justement grâce à un cadre en marketing de Nissan, Danny Moore (Orlando Bloom) que l’histoire débute. Danny propose un plan d’enfer à ses boss : on va monter la GT Academy, chargée de trouver les meilleurs pilotes virtuels de Gran Turismo et les mettre au volant de bien réelles bagnoles. Et, au passage, rapporter des tonnes de brouzouf à Nissan, PlayStation et la fédé de Formule 1 – dont les logos sont partout dans le film. Franchement les gars, elle est pas belle la vie ?
La suite est exactement telle que ce prémisse laisse imaginer. Repéré pour ses capacités hors-normes au joystick, le jeune Jann Mardenborough (qui a réellement existé) est sélectionné par la GT Academy, alors même que son papa lui avait dit que toutes ces heures passées à jouer ne lui serviraient à rien. Bravo, fiston. Cette partie-là de Gran Turismo ressemble à une version à peine modernisée de Jours de Tonnerre (déjà un remake officieux de Top Gun sur terre ferme…), avec David Harbour (échappé de Stranger Things) en entraîneur sévère mais juste. Cette partie-là, justement, le réalisateur Neill Blomkamp semble l’expédier sans trop y croire, comme pour cocher les cases du spectacle hollywoodien forcément inspirant et lénifiant car « inspiré d’une histoire vraie. »
La vérité est évidemment ailleurs : dès qu’il met en boîte les scènes de course, Blomkamp fait décoller le film du ras des pâquerettes et peut se mesurer sans rougir à Rush ou Le Mans 66, soit ce qu’on a vu de mieux dans le genre récemment. Comme si, après s’être assurés que tous les logos ad hoc apparaissaient dans le film, ses producteurs avaient laissé Blomkamp faire ce qu’il voulait avec ses rutilants bolides. Un film cynique et étourdissant ? Mais oui, ma bonne dame : à Hollywood, tout est possible.
Gran Turismo, Neill Blomkamp, 2023. Avec : Archie Madekwe, David Harbour, Orlando Bloom, Darren Barnet, Djimon Hounsou.
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