Wake Up, le Glock des générations

 


Derrière l’imbitable acronyme RKSS se cachent en fait François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissells, trois réalisateurs canadiens. Leurs précédents films, Turbo Kid et Summer of 84, n’étaient pas sortis en salles chez nous, mais des échos positifs arrivés de festival – Sundance ou Neuchâtel – ont contribué à les imposer comme un trio de petits malins, maîtrisant sur le bout des doigts les références cinéphiliques de la décennie 80 et du film de genre. Wake Up se place lui aussi sous le haut patronage de films restés fameux : de Piège de Cristal à Escape Game en passant par Cube, on sait que le jeu de massacre à huis clos – ici un centre commercial – est un bon moyen d’en mettre plein la face au spectateur pour (presque) pas un rond.

Surtout, le pitch rudimentaire (jeunes activistes pour le climat vs vigile vénère féru de chasse primitive) sert aux trois cinéastes de canevas pour faire dérouler leur sous-texte politique. Entre jeunes et vieux, c’est donc bien le combat entre l’ancien monde qui refuse de s’éteindre et le nouveau qui peine à émerger, dirait-on pour (mal) paraphraser Antonio Gramsci, qui se joue.  C’est d’ailleurs le sens du titre du film : Réveillez-vous, comme dans « Réveillez-vous avant l’effondrement et que le ciel soit rouge » – pour le dire avec des titres de films.

Pour louable que soit cette dialectique, et l’idée de rejouer Les Chasses du Comte Zaroff à l’heure d’Extinction Rebellion, tout cela reste bien trop superficiel pour qu’on y croie vraiment. A commencer par les personnages de « militants » – en réalité des ados paumés s’inventant une conscience politique en vue de faire le buzz –, interchangeables dans leurs intentions et leur profondeur. Ici ou là, on apprend que le père de l’une d’entre elles est un menuisier mis à la retraite forcée du fait de l’hégémonie des grands malls ; on n’en saura, hélas, pas beaucoup plus… Wake Up est un film éminemment frustrant : pour chaque vraie bonne idée (comme cette course-poursuite dans le noir complet où les personnages sont rendus visibles par de la seule peinture phosphorescente), on en dénombre deux ou trois bancales ou déjà vues ailleurs. Celle qui clôt le film, à la fois facile et cynique, décroche la timbale en la matière. Décidément, n’est pas Jordan Peele qui veut.

Wake Up, 2023, François Simard, Anouk Whissell, Yoann-Karl Whissells. Avec : Turlough Convery, Benny O. Arthur, Jacqueline Moré, Tom Gould, Kyle Scudder.

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