Le Consultant, la tech dans le seau

 


Dès le début, ça sent plutôt le roussi : le patron d’une boîte de jeux vidéo est assassiné par un gamin accro à sa console et à qui « Dieu a dit de le faire ». Mouais : on sait à présent que les jeux peuvent doper la concentration, la créativité et la mémoire – on est loin des mauvais procès faits à cette industrie depuis ses balbutiements. On apprendra plus tard qu’il y a anguille sous roche et que ce meurtre n’est pas le seul fruit d’un illuminé, mais le mal est déjà fait.

Et du mal, il y en a à revendre dans Le Consultant, principalement sous la forme de Regus Patoff (quel nom !), qui déboule dans la société CompWare une fois son créateur trépassé. Sur le papier – littéralement d’ailleurs, puisque cette série est adaptée d’un roman de l’auteur Bentley Little –, réjouissante était l’idée d’épingler ces consultants de tout crin, aux prérogatives troubles et souvent missionnés par les entreprises pour « rationaliser », « optimiser » voire « dégraisser » leurs effectifs. Dit autrement, ces gens-là sont souvent les bons petits soldats du capitalisme tardif, troufions pour qui l’attaché-case et les tableurs Excel ont remplacé les grenades et les baïonnettes.

A l’arrivée, la charge satirique est toutefois bien légère, la série préférant égrener mollement les rebondissements pour épaissir le mystère sur son protagoniste éponyme : qui est vraiment Regus Patoff ? Un gourou new age auprès de qui les huiles de la Silicon Valley aiment s’acheter une conscience ? Un patron machiavélique, prêt à tout pour contenter ses actionnaires ? Ou carrément un démon, dernier descendant de Zitoire, le suppôt de Satan ? D’aucuns nous diront que, si Le Consultant range ses dents, c’est pour ne pas froisser son diffuseur Jeff Bezos, deuxième homme le plus riche du monde avec sa pieuvre Amazon, chantre d’un capitalisme débridé et enfin libéré de toute forme de régulation économique ou de droit du travail. Même pas, leur rétorquerait-on : depuis 2020, la plateforme Amazon Prime diffuse Upload, piquante techno-satire dépeignant un monde où l’on peut « téléverser » son esprit dans un monde virtuel – lequel est bien sûr sous la coupe réglée d’une poignée de milliardaires en profitant pour accroître leur pouvoir dans l’autre monde, lui bien réel. (Sérieusement, c’est à se demander si Bezos ce que racontent les séries qu’il finance.)

Dépouillé de tout cela, que reste-t-il au Consultant ? Ce vieux cabot de Christoph Waltz, qui rejoue pour l’occasion son numéro de hiérarque faussement onctueux et vraiment terrifiant, idéalement originaire de la Mitteleuropa ou de Russie, largement éprouvé depuis Inglourious Basterds. (Voir aussi, entre autres, De l’eau pour les éléphants, The Green Hornet ou Skyfall.) Une performance qui fait toujours son petit effet – du moins pour l’instant, on s’en lassera sûrement un jour – et d’autant plus saillante que Waltz a fasse à lui une ribambelle de jeunes interprètes qui perdraient un concours de charisme face à une éponge à récurer. Suffisant pour qu’on finisse notre assiette, sans doute, mais vraiment pas pour qu’on réclame un peu de rab.

Le Consultant, Tony Basgallop, 2023 (1 saison) Avec : Christoph Waltz, Nat Wolff, Britanny O'Grady, Aimee Carrerro.

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