Twisters, typhon de tiroir

 


Twister premier du nom était la définition même du blockbuster oubliable comme les années 1990 en ont produit à la chaîne : cinéaste inégal (Jan de Bont, à qui l’on doit l’exemplaire Speed comme l’épouvantable Hantise), script vite fait-mal fait, personnages taillés à la hache... Même l’estampille Amblin, encore synonyme une décennie plus tôt de divertissement populaire engageant (Gremlins, Les Goonies, tout de même) ne faisait plus tout à fait illusion. Vraiment pas de quoi éructer que c’était mieux avant… ni, sans doute, de sortir le défibrillateur et ramener ce patient-là à la vie pour une suite. C’était sans compter sur l’abnégation de la Warner, en quête de marques lucratives les années où Denis Villeneuve n’est pas dispo pour chasser dans la Dune – en attendant, peut-être, un énième reboot d’Harry Potter ?

Plus qu’une séquelle ou un reboot, Twisters est une relecture du film originel, qui en reprend le sujet (des pieds nickelés courent après des tempêtes et… c’est à peu près tout) pour le dépoussiérer et le moderniser. (Etonnant, d’ailleurs, qu’aucun personnage du précédent volet ne revienne. Certes, Bill Paxton et Philip Seymour Hoffman nous ont quittés, mais Helen Hunt n’aurait peut-être pas dit non à une apparition ?) Une modernisation qui tient surtout en des efforts apparents d’inclusivité – l’équipe de météorologues est effectivement bien moins albâtre qu’il y a 25 ans – et d’un happy ending qui n’inclut même plus, voyez-vous ça, de bisou entre la fille et le garçon.

La modernité a toutefois des limites : pour toutes les catastrophes naturelles montrées sans prendre de gants (de plus en plus nombreuses aux dires du film… et de la communauté scientifique), pour toutes ces familles peu ou mal couvertes qui se retrouvent à la rue face à des entrepreneurs charognards et un Etat qui fait la sourde oreille, Twisters se refuse à prononcer le gros mot, l’anathème de la discorde : le « réchauffement climatique ». Une stratégie d’évitement sémantique dont le réalisateur Lee Isaac Chung faisait récemment le service après-vente : « Je voulais m’assurer que le film ne mettait en avant aucun message. » Comprendre : ne désincitait pas les presque 15 % d’Américains niant encore les effets délétères de ce dérèglement à prendre leur place pour le film. Dommage, d’autant plus quand on a vu Minari, précédent film de Chung, touchante chronique d’une famille coréenne devant se dépatouiller avec une ferme quand elle débarque en Arkansas, qui mettait autrement plus les mains dans le cambouis et la terre.

Au crédit du film, il faut lui mettre des séquences d’intempéries diablement efficaces, qui justifient presque à elles seules le visionnage de Twisters au cinéma – sur écran de téléphone, on n’ose même pas imaginer… D’autant que le bruit de la pluie et de la grêle ont comme bénéfice caché de couvrir les dialogues bancals, jargonneux quand ils ne sont pas passepartout, comme c’était déjà le cas dans le premier film. Surtout, Twisters a eu la bonne idée de faire le plein de sang neuf : de Daisy Edgar-Jones à Anthony Ramos, de Sasha Lane à Kiernan Shipka, les interprètes du film ne sont pas des inconnus et ont déjà traîné leur guêtres dans des séries Netflix ou des longs-métrages indépendants ; reste qu’il s’agit pour la plupart de leur première trempette dans le bain du blockbuster et que tous et toutes s’en sortent avec les honneurs. Le dénommé Glen Powell sans doute mieux que quiconque : ce beau gosse au physique de surfeur a déjà été adoubé par Tom Cruise, star à qui il passait les plats dans Top Gun : Maverick. S’il se débrouille bien, ce gaillard-là pourrait bien devenir le prochain Ryan Gosling – et ça, c’est pas du vent.

Twisters, Lee IsaacChung, 2024. Avec : Daisy Edgar-Jones, Glen Powell, Anthony Ramos, Brandon Perea, MauraTierney.

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