Largo Winch : Le Prix de l'argent, pognon du fils

 


On ne croit insulter personne en disant que pas grand monde n’attendait de pied ferme la suite des aventures de Largo Winch, héros de l’éphémère saga adaptée de la fameuse BD de Philippe Francq et Jean Van Hamme. Revenir aux affaires douze ans plus tard, c’était donc largement courir le risque d’être resté coincé dans les modes d'hier, tant ces deux films suivaient la tendance sombre et réaliste post-Casino Royale, post-The Dark Knight qui faisait tant fureur à l’époque. Ce Prix de l’argent évite une telle ringardise, même si c’est encore du côté de James Bond que Largo Winch louche pour s’actualiser : comme dans Mourir peut attendre, dernier opus bondien en date, on flanque à notre héros cavaleur et insouciant un enfant kidnappé, histoire de le responsabiliser un peu et faire monter les enjeux. Autre concession faite à l’époque : le ressentiment anti-élites, présent dans de nombreux films récents – voir, dans des registres très divers, A couteaux tirés et sa suite Glass Onion, Wedding Nightmare, Joker ou The Batman. Ce bon Largo devient ici la tête de gondole d’un capitalisme tardif prédateur, quand on le laissait naguère dépenser ses milliards comme bon lui semblait, sans se soucier ni du dumping social ni des rapports du GIEC. Salauds de riches ?

Voilà pour ce qu’il y a de neuf. Pour le reste, Le Prix de l’argent semble sortir du micro-ondes : les loyautés se font et se défont sans qu’on y croit vraiment, le Canada enneigé succède à la jungle thaïlandaise tandis que James Franco, acteur naguère prestigieux devenu persona non grata à Hollywood depuis #MeToo, cabotine comme s’il était dans une série C face à Jean-Claude Van Damme. A quoi bon tant de grabuge ? Certes, les scènes de bastonnade et de course-poursuite en voiture sont bien ficelées mais, si on était vilains, on dirait qu’il s’agit tout de même du minimum syndical du genre. Un peu comme cette « révélation » finale en forme d'épilogue ouvert : que le fils de Largo ne soit in fine pas mort nous fait une bien belle jambe et clôt le film sur une note étonnamment mélancolique, mais, au fond, on s’en fiche alors déjà un peu. Si ce Largo Winch ne transcende jamais totalement son statut de blockbuster siglé « Marque Repère », de sous-produit bondien, il fait, et c'est déjà ça, passer le temps jusqu’à ce qu’on appointe le successeur de Daniel Craig.

Largo Winch : Le Prix de l'argent, Olivier Masset-Depasse, 2024. Avec : Tomer Sisley, James Franco, Clothilde Hesme, Elise Tilloloy, Denis O'Hare.

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