Elyas, trois fois Elyas
Le bonheur cinéphilique, ça tient parfois à peu de choses : au plaisir, par exemple, de voir un cinéaste retourner à ce qu’il fait de mieux. Car si Florent-Emilio Siri a touché en sept films à bien des genres (chronique de la guerre d’Algérie avec L’ennemi intime, biopic emperruqué avec Cloclo, remake du classique patrimonial avec Pension complète), il est surtout à qui l’on doit le vitaminé Nid de guêpes qui est, disons-le tout de go, l’un des fleurons du film d’action à la française, porté par un Benoît Magimel au top de sa forme et Pascal Greggory dans un rôle qu’on croirait écrit pour Lee Marvin. A la sortie du film, dans Première, la critique Stéphanie Lamome avait écrit qu’il s’agissait du seul thriller hexagonal qu’on pouvait « montrer à Bruce Willis sans rougir ». Elle ne croyait pas si bien dire : deux ans plus tard, Siri était débauché par l’ex-John McClane pour réaliser Otage…
Le pitch d’Elyas est dépouillé, feng shui comme de juste : ancien des Forces spéciales, revenu d’Afghanistan avec maintes cicatrices et plus encore de soucis dans la tête, Elyas Flores accepte de temps à autre des missions de protection pour des clients aussi riches que louches, cette fois-ci dans un cossu château. Une affaire qui roule ? Evidemment que non… Le réalisateur pourrait s’arrêter là, et mettre en scène une bataille rangée dans cet unique décor – c’était après tout le redoutable pitch de Nid de Guêpes, qui rendait par là hommage à Assaut de John Carpenter et, par ricochet, à Rio Bravo de Howard Hawks. Mais non : sans peur et sans reproche, Florent-Emilio Siri fait s’enchaîner les scènes de bravoure les unes après les autres, depuis un mouvementé passage de la Manche en camion jusqu’à un ultime sauvetage en haut d’une tour émiratie. On pense alors, dans le désordre à la saga Mission : Impossible, à Sicario, à John Wick… Des comparaisons indubitablement flatteuses, à laquelle Elyas parvient à se mesurer, sans jamais les singer.
Dernier détail, et pas des moindres : le rôle éponyme est interprété par Roschdy Zem, acteur d’un magnétisme rare, aussi à l’aise dans les pères de familles idéals (Les Enfants des autres), de policiers sensibles (Roubaix, une lumière) et, donc, d’Equalizer à la française. Pour paraphraser Stéphanie Lamome, Elyas est le seul thriller hexagonal qu’on peut montrer à Keanu Reeves en bombant le torse.
Elyas, Florent-Emilio Siri, 2024. Avec : Roschdy Zem, Laëtitia Eïdo, Jeanne Michel, Dimitri Storoge, Eric Savin.