Transformers : Le Commencement, automates farcis
La petite musique qui précède ce Commencement est qu’il s’agirait du « meilleur film de la saga » Transformers, « d’une des plus belles surprises de l’année » (dixit Ecran Large) voire d’une « vraie claque » selon mon collègue d’aVoir-aLire. Peut-être parce que la concurrence n’est pas des plus rudes : depuis sa naissance en 2007, la politique de la terre brûlée est ce qui caractérise cette franchise, qui ne s’embarrasse ni fondamentaux de la narration ni du bon goût et préfère imposer un spectacle toujours plus jusqu’au-boutiste. On n’en attendait pas moins de sa tête pensante Michael Bay, ex-pubard habité et cinéaste kamikaze sans équivalent. Il faut ici préciser que Transformers a ses inconditionnels, qui la défendent d’ailleurs avec brio. Tous les autres – l’auteur de ces lignes y compris –, se reconnaîtront dans ce que le critique américain Roger Ebert disait du second opus : « Si vous voulez économiser le prix du billet, allez dans votre cuisine, mettez à fond un chœur masculin qui chante la musique de l’enfer, et demandez à un gamin de taper sur des casseroles et des poêles. Puis fermez vos yeux et faites marcher votre imagination. »
Préquel du préquel (bienvenue à Hollywood !), donc, pour cette saga semble-t-il arrivée aux confins de ce dont étaient capables ces automates : s’adonner au tourisme lunaire, rayer les dinosaures de la carte, aider le roi Arthur à défaire les Saxons… Renseignements pris, les Transformers ne peuvent toutefois pas cuire les carottes ou laver la vaisselle. Pour des robots, c'est quand même sacrément ballot ! Dans Le Commencement, on fait ainsi la connaissance de deux factions en devenir – les placides Autobots et les fourbes Decepticons – et surtout de leurs chefs respectifs, Optimus Prime et Megatron. Pourquoi pas ? Le problème, hélas, est le scénario balisé à l’extrême de toute cette aventure. Tenez, dites-nous si vous la connaissez, celle-ci : deux compères inséparables bataillent dur pour se sortir de leur condition misérable, pour finir fâchés à mort quand ils se rendent compte qu’ils n’ont pas la même vision du pouvoir, et a fortiori des moyens d’y parvenir. Difficile, en l’instance, de ne pas penser à l’affrontement, assez similaire, entre Charles Xavier et Magneto dans X-Men. (Dans les comic books originels, leur schisme était inspiré entre celui opposant Martin Luther King à Malcolm X.) Et même, à la limite, à celui entre Mufasa et Scar dans Le Roi lion – jusqu’à une scène de sacrifice au bord d’un précipice, qui évoque logiquement l’une des plus séquences les plus iconiques du classique Disney.
Ce nouveau volume n’est toutefois pas sans qualités ; son réalisateur Josh Cooley est un transfuge de Pixar, et le bonhomme a bien retenu ses leçons apprises au sein du studio à la lampe. Saluons tout d’abord la tenue visuelle du film, joli alliage entre l’ancien et le nouveau, entre les racines cartoonesques de la franchise et l’animation hyperréaliste que Hollywood sait pratiquer aujourd’hui. Certaines scènes sont même proprement décoiffantes, comme cette course de voitures (enfin, de robots transformés en voitures, hein) qui rappellera des souvenirs émus à ceux qui passaient leurs week-ends à jouer à Mario Kart : Double Dash. Comme chez Pixar également, le casting vocal (VO tout du moins) est de haute volée, peuplé d’interprètes au timbre de voix immédiatement reconnaissable et impeccablement choisis : Chris Hemsworth en chef de bande à l’autorité naturelle, Scarlett Johansson en femme d’action revêche et sanguine, Keegan-Michael Key en machine à vannes… Autre bonne surprise du film, et pas des moindres : le propos rien de moins que politique qui le sous-tend et résonne étonnamment en pleine période électorale américaine. Ici, les Autobots sont initialement de modestes mineurs de fond – comme les héros du dernier Alien, d'ailleurs –, profession col-bleu et manuelle s’il en est, qui font face à un autocrate trumpoïde qui proclame que la seule vérité acceptable est celle que lui a fomenté dans son esprit confus. Rings a bell? Et quand la baston éclate, c’est bien d’une lutte des castes dont il s’agit. Mince alors : même chez les robots, la classe ouvrière va au paradis...
Transformers : Le Commencement (Transformers One), Josh Cooley, 2024. Avec les voix de : Chris Hemsworth, Brian Tyree Henry, Scarlett Johansson, Jon Hamm, Steve Buscemi.