A Holy Family, la feinte famille
Le cahier (filmé) d’un retour au pays natal : voilà comment on pourrait décrire A Holy Family. L’histoire, bien réelle, est celle du réalisateur Elvis A-Liang Lu : après plus de deux décennies de brouille avec ses parents, il refait le chemin à l’envers et revient dans sa ville natale, Minxiong, grosse commune rurale hongkongaise. Il y retrouvera une tribu bigarrée et gentiment boiteuse : son père, parieur poissard et invétéré qui a dépensé tout l’argent du ménage en paris sportifs ; son frère, thaumaturge en herbe – d’où le titre du film, « la sainte famille » – et agriculteur à peine mieux loti ; sa mère, enfin, qui, sans doute en réaction à la folie ambiante, s’est réfugiée dans le taoïsme et passe la journée à quérir la clémence de ses dieux...
Une fois les différents personnages installés, Lu se fait discret et capture sans fioritures (on dirait presque de la DV, et cela renforce le côté home movie) le quotidien de cette famille pas comme les autres. Lancinant (parfois), déroutant (souvent), émouvant (presque toujours), A Holy Family vaut surtout comme instantané de tout un pan de la société chinoise – où se mêlent la religion et la superstition, la tension entre l’individuel et le collectif, la dèche noire et les rêves d’or. Un témoignage passionnant et une facette de plus d’un pays décidément inépuisable à l’écran.
A Holy Family, Elvis A-Liang Lu, 2024.