Minecraft : Le Film, blocs partis

 

Imaginez une fête à laquelle vous auriez été invité par pure politesse. Maintenant que vous vous êtes mollement engagé à venir, vous vous demandez ce que vous venez faire là ; certes vous reconnaissez bien dans l’assistance quelques visages familiers mais, pour le reste, quelle angoisse! : vous ne savez même pas ce qu’on célèbre, ne comprenez rien à rien aux conversations en cours, ne riez pas à ce que tout le monde semble trouver hilarant – et, puisque vous êtes venu seul, personne d’autre ne pourra éclairer votre lanterne. Alors, comme dans tout interaction sociale dans laquelle vous ne vous sentez pas à votre place, vous rasez les murs, zonez autour du buffet et comptez les longues minutes jusqu’à la fin de la soirée.

Voilà peu ou prou ce que ressentira devant Minecraft : Le Film le spectateur lambda qui n’a jamais joué à Minecraft (le jeu vidéo). Un univers redoutablement hermétique que le long-métrage ne cherche jamais vraiment à expliquer : bon an, mal an, on devine que la « Surface » ou le « Nether » sont des mondes peuplés par des créatures nommées Endermen, Piglins zombifiés ou Golems de fer, et que c’est grâce à des blocs générables à l'infini nommés « voxels » que l’on pourra construire tout ce qui nous passe par la tête. Il faudra se contenter de ça, tant on comprend rapidement que Minecraft ne cherche pas à convertir qui que ce soit – plutôt à satisfaire celles et ceux qui se sont usés les mirettes et les pouces opposables devant leurs consoles.

Rien de surprenant là-dedans, finalement, puisqu’il suit simplement la tendance récente des films adaptés de franchises de gaming : suivre servilement la trame du jeu, carburer au fan service et aux clins d’œil gratuit, occulter, bien sûr, l’idée de faire du cinéma. Commercialement, l’idée se défend, comme en témoigne le succès plusieurs fois renouvelé des films Sonic – et, plus encore, le carton historique du dessin animé Super Mario Bros. Artistiquement, cela s'entend aussi : après avoir, trois décennies durant, tenté de faire rentrer au chausse-pied l’art vidéoludique dans le moule du cinéma – et accouché de sous-Indiana Jones avec Tomb Raider, de sous-John Woo avec Hitman… –, peut-être n’est-il « pas si pire » (comme disent les jeunes) de coller au plus près du matériau initial. Evidemment, si cela pouvait donner un film digne de ce nom à l’arrivée, ce serait encore mieux…

Décidément paumé quant à ce drôle d’univers, le spectateur lambda, et peut-être même un peu cinéphile, sera tenté de se raccrocher aux branches et repensera à des films qu’il a déjà vus : un portail qui permet de passer de monde en monde, comme dans Stargate alors ? Un grigri ésotérique qui permet de quitter notre planète bleue pour rentrer dans un jeu, un peu à la Jumanji, c’est ça ? Ah, tiens, il y a même ce nounours ventripotent de Jack Black qui entonne des chansonnettes rigolotes, comme le prof de musique qu’il jouait dans Rock Academy (son meilleur rôle à ce jour) il y a deux décennies ? On retrouve peu de tout ça, oui, et pas mal d’autres trucs, astuces ou artifices vus dans une palanquée d’autres œuvres étrangement similaires. Dont cette obsession (musicale, esthétique, référentielle) pour les années 1980 – période-doudou de tout blockbuster post-moderne qui se respecte, de Stranger Things à Ready Player One – alors même que le premier volet de Minecraft est sorti en… 2011 ?!

Au fond, l’industrie hollywoodienne aura beau jeu de sonner l’hallali face à la submersion que représente dans tous les arts l’intelligence artificielle générative. Bien sûr, il est sain de s’inquiéter du mal que cette technologie peut faire aux créateurs de tout crin ou de la façon dont elle pille sans vergogne Miyazaki ou Wes Anderson. Mais on serait presque tenté de prendre le problème à l’envers : si c’est à ça, à Minecraft, que ressemble le cinéma grand public produit par des humains en 2025, ChatGPT et se copains numériques n’auront effectivement pas à chercher bien loin pour trouver leur inspiration de seconde main.

Minecraft : Le Film (A Minecraft Movie), Jared Hess, 2025. Avec : Jack Black, Jason Momoa, Danielle Brooks, Jennifer Coolidge.

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