Le Roi Soleil, la Française dégueu
Au cinéma comme partout ailleurs, le syndrome de la « toute deuxième fois » frappe particulièrement dur quand il advient. Témoin ce Roi Soleil, que l’on avait hâte de voir rayonner depuis que l’on avait été conquis par le premier long-métrage de son auteur, Vincent Maël Cardona. Seulement, voilà, les nouvelles qui arrivent de Versailles sont mauvaises. Ce n’est pas une révolution, ni même une révolte – non, Sire, c’est une pure et simple déception.
Le Roi Soleil veut d’abord nous refaire le coup du polar « à la Rashōmon », celui où les points de vue des divers personnages se suivent sans toujours se ressembler. Riche idée : de L’Ultime Razzia à Reservoir Dogs, la narration éclatée a fourni au film noir certaines de ses plus belles réussites. Le thriller horrifique Évanouis – ce qu’on a vu de mieux sur grand écran cet été – recourait lui aussi à un tel storytelling façon puzzle, avec un brio certain.
Café du CommerceSeulement, on comprend en cours de route que le charme discret de la série B ne suffit pas à Cardona et son coscénariste, Olivier Demangel. Leur histoire de paumés vissés au comptoir d’un PMU n’est pas assez : il leur faut en plus de cela vêtir les oripeaux, bien plus recommandables – le film a même été projeté au dernier Festival de Cannes – de la série A : celle qui a compris son époque et cherche à la commenter. Dès lors, ce n’est plus sous le patronage des Tarantino ou des frères Coen que Le Roi Soleil se place, mais plutôt sous celui de Jérôme Fourquet, le talentueux analyste de « l’archipel français », ses fractures et ses modes de vie.
Dès le début, le ton était donné le temps d’une pompeuse introduction sous les ors versaillais : Louis XV, désireux de renflouer les caisses de l’État par tous les moyens (rings a bell?) reçoit la visite de deux Italiens – dont le tumescent Giacomo Casanova –, qui lui suggèrent de créer une loterie nationale en faveur de l’École militaire. Quand vous n’avez plus de pain à donner à vos citoyens, accordez-leur les jeux ! Le reste du film est comme la poire : à l’avenant. Vincent Maël Cardona évacue bien vite son intrigue passepartout (une histoire de ticket gagnant de Loto) pour se concentrer sur ses personnages, qu’il imagine sans doute être représentatifs de notre société contemporaine : deux flics surmenés ; un placide barman asiatique ; son arpète, une étudiante qui sert des bières pour arrondir les fins de mois ; un jeune infirmier ; un trader (forcément) accro à la coke ; un braqueur à la petite semaine…
Mépris unique
Ça se voudrait un commentaire acéré de la France de 2025, avec ses angoisses et ses moyens d’évasion – les jeux de hasard en sont un –, ça n’est in fine que platitudes et portes ouvertes enfoncées à la hâte. Des discussions de café du Commerce (finalement logiques vu le décor convoqué), d’autant plus pénibles qu’elles sont persuadées d’être profondes. Avec un ton si moralisateur qu’on dirait du Ari Aster franchouillard.
Reconnaissons-le : il y a beaucoup à dire et à raconter sur la France contemporaine, au cinéma comme partout ailleurs. Sur son mépris unanimement partagé, de ceux d'en haut vers ceux d'en bas (et vice versa), sur son corporatisme et son étroitesse d'esprit, sur l'inanité de sa classe politique. Au cours de certaines divagations cinéphiliques, on se prend même à rêver d’un film qui ruerait dans les brancards de la France macroniste comme Georges Lautner et Michel Audiard brocardaient la France de Pompidou et Giscard dans Mort d’un pourri (1977). Mais, pour ça, il faudra visiblement attendre encore un peu.
Le Roi Soleil, Vincent Maël Cardona, 2025. Avec : Pio Marmaï, Sofiane Zermani, Lucie Zhang, Maria de Medeiros, Némo Schiffman.
