The Predator : Le ciel nous tombe sur la gueule
La nostalgie est un vilain
défaut. Sans doute la Fox aurait-elle dû s’en souvenir avant de réveiller une
fois encore (une fois de trop) l’un de ses monstres les plus emblématiques, à
la célèbre « gueule de porte-bonheur ».
Pour le studio, embaucher pour le job Shane Black, star 80 du film d'action, était sans doute d’une
légitimité incontestable. Après tout, Black lui-même a eu l’honneur de se faire
trucider par le Predator dans ses premières aventures filmiques. Si les geeks
ne savent pas savourer ça, que leur faut-il, pas vrai ?
Sauf que l’orfèvre a ici décidé de ne surtout pas forcer son talent. Ce qui différencie un bon
film de Shane Black d’un mauvais film de Shane Black (si vous attendez une
vanne des Inconnus, désolé), c’est avant tout une histoire de gros sous.
Donnez-lui 30 millions, et le cinéaste-scénariste vous pond des petits bijoux d’humour
noir comme Kiss Kiss Bang Bang ou The Nice Guys. Donnez-lui 100
millions et il vous pond des gros objets difformes qui sautent à pied
joints dans le cynisme et le je-m’en-foutisme, comme Iron Man 3 ou l’objet ici
disséqué.
Comme le Predator qui s’est
imprégné de sang humain pour transmuter en une bestiole disgracieuse, Shane
Black s’est mué en rejeton ingrat de Michael Bay. Le programme de
réjouissances de ce Predator est digne de l’Empereur du Chaos : les vannes sont laborieuses, les hommes sévèrement burnés et on fait se déshabiller les
filles (la somptueuse Olivia Munn) par pur amour du racolage, sans parler de la publicité gratuite faite à l'armée américaine. Si sa VHS de Top Gun est vraiment trop usée, l'US Army pourra toujours montrer The Predator à ses putatives recrues - hypothèse d'autant plus plausible que le père Trump compte aller castagner les aliens. Et parce qu’il n’est
pas classé tous publics, The Predator peut aller encore plus
loin que Bay rayon vulgarité. Dans le film, Black introduit même un personnage
atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, qui lui permet de s’adonner à ce
qui est vraisemblablement sa grande passion depuis toujours : faire dire
des « fuck » à des acteurs
truculents, ici l'ex-Punisseur Thomas Jane.
Histoire que le cinéaste se sente
moins seul sur sa chaise électrique et pour mutualiser un peu les blâmes, on
dira que tout le monde est ici aussi indéfendable. Le script (co-signé de
Fred Drekker, responsable de l’immortel Robocop 3, autre suite indigne d’un
classique 80’s) est d’une inanité vertigineuse. Le casting (Keegan-Michael Key pour
la caution vannes, la Munn pour la caution bonne meuf et tous les autres pour
la caution cojones) ne cherche même
pas à tenter de sauver les meubles. Mais pourquoi s’embêter quand c’est du Ikea ?
Difficile de conclure cette
notule autrement qu’en réitérant une fois encore (une fois de trop ?) les
complaintes formulées après avoir vu Independence Day, Pacific Rim ou Jurassic World, lamentations dues à une certaine agonie du film
de monstre. Le « meilleur » avatar du genre qu’on ait vu cette année
est En
eaux troubles avec Jason Tatane – c’est dire le niveau de la débâcle. Promis,
un jour on arrêtera de geindre, mais d’ici là : choquer et déçu.
The Predator, Shane Black, 2018. Avec : Boyd Holbrook, Olivia Munn, Trevante Rhodes, Keegan-Michael Key, Thomas Jane.
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