Jurassic World - Fallen Kingdom : Le monde (jurassique) ou rien



Certaines espèces disparues devraient sans doute le rester. Cette leçon de morale, c’est celle des films Jurassic Park, et elle commence malheureusement à sortir du cadre purement fictionnel. Non content d’avoir ravivé la saga spielbergienne il y a trois ans avec un premier film sans intérêt aucun, Universal persiste et signe avec ce cinquième, pardon deuxième, volet tout aussi superflu. Là où le premier volet pompait en règle Jurassic Park premier du nom en en agrandissant seulement les dimensions (le parc est plus grand, les dinos aussi, etc. etc.), Fallen Kingdom emprunte plus volontiers au deuxième film, conçu à l’époque comme une antithèse stylistique du précédent – nocturne et citadin là où le premier était diurne et sauvage. De fait, du « monde perdu » au « royaume déchu », c’est kif-kif bourricot.
 
Comme Jurassic WorldFallen Kingdom donne comme toile de fond à ses affrontements monstrueux des préoccupations bien réelles. Le premier volet pointait du doigt – avec plus ou moins de subtilité – notre obsession morbide et vaine pour un spectacle populaire toujours plus malsain et jusqu’au-boutiste. Ici, le questionnement éthique est différent : trois ans après la fermeture du parc, les dinosaures sont toujours en liberté, et la question se pose de savoir s’il faut les exterminer ou les laisser exister au nom du droit à la vie. Un thème qui de nos jours résonne, alors que la thèse « antispéciste » n’a jamais été aussi populaire, tout comme la question de l’eugénisme galopant, au centre de la résurrection des dinos. De fait, ce postulat de départ tient (à peu près) la route. La fin aussi, qui enchaîne en peu de temps un twist couillon à la Shyamalan, une bataille hommes/dinos gentiment gothique sur des toits anciens fouettés par la pluie, et des scènes où de vrais lézards côtoient des animaux de carton-pâte qui rappellent le travail d’un John McTiernan sur l’opposition Nature/Culture.
  

Que les gros chibres lèvent le doigt
  
Dommage, alors, qu’il faille se coltiner tout ce qui vient entre, soit une suite de rebondissements tièdes et téléphonés. Que l’instrument qui permet l’avènement des sales bêtes soit un énième cadre attiré par l’appât du gain n’est pas un problème. Que ces blockbusters brocardent ce comportement alors que les studios qui les produisent feraient précisément tout pour de l'argent facile commence à en devenir un. Et le coup des « origines secrètes » (on invente ici un nouvel associé à John Hammond, créateur du parc original) est tellement usité que même le piteux Scream 3 (sorti en... 2001) le tournait en dérision. Dommage car le réalisateur J.A.(mbon de) Bayona n'est pas sans talent et The Impossible (son meilleur film à ce jour) témoignait d'une belle connaissance du bestiaire monstrueux naturaliste.
 
Marre de ces blockbusters opportunistes et mal maîtrisés, qui ne savent rien d’autre que jouer dans la surenchère irréfléchie – dans le cas de Jurassic World, des bestioles toujours plus hybrides, méchantes et retorses, jusqu’à l’absurde. Qu’il s’agisse d’animaux poilus (La Planète des Singes), d’aliens visqueux (Independence Day) ou ici de lézards gigantesques, tous les gros films « de monstres » ne savent plus nous vendre qu’une chose : un règne total et écrasant de ceux-ci, qui finit par ressembler à s’y méprendre à un concours d’attributs masculins. Le bal des gros chibres ne s’arrêtera pas de sitôt, puisque comme nous prévient le néo-jazzman Jeff Goldblum, cette hégémonie (et cette franchise déplorable) n'a pas dit son dernier mot. Attachez vos ceintures et reprenez un Mercalm : le voyage ne fait que commencer, et le pire est encore à venir.
 
Jurassic World: Fallen Kingdom, J.A. Bayona, 2018. Avec: Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Rafe Spall, James Cromwell, Justice Smith.

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