Ted 2 : L'homme qui crie, l'ours qui danse

 
A peine a-t-on passé la moitié de l’année que l’on peut d’ores et déjà écrire ces mots : 2015 est l’année de tous les records pour Universal. En effet, le studio a vu cette année deux films issus de ses fourneaux passer le sacro-saint cap du milliard de dollars : Fast & Furious 7 et Jurassic World – sans même parler des excellents scores engrangés par Les Minions et ceux, prometteurs, de Crazy Amy. Au milieu de ce défilé de comptes en banque bien garnis, Ted 2 paraîtrait presque pâlot, et ce malgré des résultats loin d’être déshonorants. C’est pour autant une réelle déception – pour Universal, donc, mais également pour Seth McFarlane, le réalisateur/scénariste/acteur/chanteur/tête à claques derrière les deux volets des aventures de l’ours le plus mal léché qui soit, lui qui avait décroché la timbale avec le premier épisode.
 
On comprend d’autant plus mal ce rejet semi-massif de la part du public américain (pourtant généralement indulgent lorsqu’il s’agit de comédies débiles) que le programme de réjouissances reste rigoureusement le même que celui du premier film – et que n’importe quelle production siglée McFarlane, en fait : un mélange d’humour en dessous de la ceinture, de références culturelles incessantes, d’apologie de la fumette et de bons sentiments à peine camouflés. De fait, chez le créateur d’American Dad, l’histoire (ici, une vague relecture du très américain film de prétoire) n’est qu’un prétexte à un déluge de blagues. De toute sorte. A chaque seconde – ou plus encore. On reproche souvent à McFarlane et ses séries (American Dad, donc, mais également Les Griffin et The Cleveland Show) ses fameux « cutaway gags », parfois insérés un peu n’importe comment au milieu d’un épisode et souvent sans grand rapport avec l’intrigue principale – si tant est qu’il y en ait une. Des critiques justifiées, sans aucun doute.
 
Ce que l’on oublie de dire, cependant, c’est que si McFarlane est l’un des scénaristes en activité avec sans doute le plus mauvais ratio « ça passe/ça casse », il est aussi probablement celui qui a la plus haute productivité, compte tenu du nombre de blagues qu’il fournit à la minute. A ce titre, Ted 2 est probablement le plus long épisode d’un « McFarlane Show » jamais produit – à tel point que l’on frise parfois le recyclage. Voir ce générique de début qui reprend sans grande originalité celui des Griffin ou The Cleveland Show, dont l’un des ressorts principaux consiste justement en… un ours qui parle.
 
Malgré ces défauts manifestes, et en dépit de l’inutilité globale d’un projet comme Ted 2, McFarlane continue peut-être, film après film, de s’affirmer comme le seul vrai descendant d’un Mel Brooks, dont il reprend les méthodes efficaces (humour trivial, vulgarité assumée et sens du pastiche bien senti) mais aussi la formule, donc, le fameux « un gag à hurler de rire immédiatement suivi d’un gag à se taper dessus de nullité ». La différence, c’est que Brooks, lui, choisissait de mettre sa vis comica au profit de projets réellement risqués se distinguant du tout-venant (l'adaptation d'un roman satirique soviétiqueun film muet ou une comédie noire). Reste donc à savoir si McFarlane lui-même souhaite maintenant prendre des risques ou non. L’avenir de sa carrière est entre ses mains.

Ted 2, Seth McFarlane, 2015. Avec : Mark Wahlberg, Amanda Seyfried, John Slattery, Giovanni Ribisi et la voix de Seth McFarlane.

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