(Happy) Days of Future Past : passé et avenir de l'univers ciné Marvel (Partie 3)
Captain America – Civil War : L'extase et l'agonie
Après une odyssée de l’espace,
Marvel revient les pieds sur Terre avec les Vengeurs – en tout cas jusqu’à ce
que ceux-ci décident purement et simplement de déplacer une ville entière à la
seule force de leurs petits bras musclés. Ce qui en dit long sur le niveau de
surenchère pour lequel opte le deuxième volet. Plutôt que de chercher à faire
autre chose (ce que Le Soldat de l’Hiver faisait très bien, par exemple),
Avengers : L’Ere d’Ultron sera plus tout : plus long, plus gros, plus
fort. Plus con ? Aussi oui, à tel point que Joss Whedon désavouera plus ou
moins le film, décrivant le tournage d’une « horrible expérience
personnelle ». Comme d’autres films précités, il cristallise surtout
beaucoup des défauts des films Marvel, en premier lieu une caractérisation des
personnages trop superficielle, à commencer par les vilains, alors que ledit
Ultron (le film porte quand même son nom) offrait de belles perspectives. Le
méchant, c’est aussi le plus gros défaut d’Ant-Man, long-métrage assez (très)
mineur, même à l’échelle de son canon. Drôle d’objet que ce « petit »
Marvel, peut-être autant que son héros, en ce qu’il est assez symptomatique
d’une tendance récente des films Marvel, tellement voyante qu’elle ressemble de
près à une stratégie : faire ses emplettes dans les sitcoms télé, d’un
côté de la caméra (Chris « Parks and Recreations » Pratt, Paul
« Friends » Rudd), comme de l’autre (les frères Russo, nouveaux
réalisateurs-stars du studio, se sont fait connaître pour leurs épisodes d'Arrested Development et Community).
Et puisque l’on parle des frères
Russo, la transition est parfaite pour parler de Civil War, dernier chapitre de
la trilogie Captain America. Et là encore, c’est plutôt intelligemment que
Marvel change son fusil d’épaule : pour contrer son manque flagrant de
méchants convaincants, autant… prendre les héros maison et les retourner les
uns contre les autres – même si, contrairement aux comics, la guerre du titre n’a rien de civile,
puisqu’ils ne sont qu’une douzaine à être concernés. Pas exempt de failles, le film
surprend lui aussi néanmoins dans sa capacité à jongler avec autant de
personnages sans en laisser (trop) sur le bas-côté. Mieux encore, on comprend (pour
une fois) les motivations des personnages, et les bonnes raisons derrière leurs
mauvaises intentions. Il est sans doute encore trop tôt pour le dire, mais on
tient peut-être là le film qui marque le début d’une certaine maturité pour la
Maison des Idées au cinéma ainsi que – on l’espère – le début d’une prise de
risque créative croissante.
Succès créatif relativement
honorable, mais aussi et surtout carton commercial indubitable : le
film bat des records dès sa sortie, comme de bien entendu, mais ne s’arrête pas
là. Car peu ou prou au même moment que Civil War sortent deux films de héros
capés, qui ne lésinent pas non plus sur le name dropping et la destruction
massive : Batman et Superman : L’Aube de la Justice et X-Men :
Apocalypse. Amusant (ou pas) : critiques et public font la moue
devant l’un comme l’autre, pour des résultats pourtant loin d'être catastrophiques
et pas si éloigné des résonances de Civil War. Comme sa maison-mère, Disney, l’avait fait il y a 50 ans avec le secteur du dessin animé, comme
Apple l’a fait avec celui de la technologie, Marvel est devenu le
représentant le plus prestigieux de son domaine et sa propre catégorie.
Désormais, on va voir « le Marvel », comme on allait voir « le
Disney » : en meute, de façon presque religieuse et peut-être sans
trop se poser de questions. Le studio, la marque, est devenu plus
gros que les héros et les acteurs qui ont aidé à le concrétiser (en premier
lieu desquels Robert Downey Jr., que le studio remercie régulièrement à coup de
millions de dollars) et le départ prochain de ceux-ci de l’univers ciné mis en
place n’est qu'un détail : maintenant, Marvel peut tout vendre, même le
plus obscur et le plus risqué des comics de leur catalogue. Le monde leur
appartient. Et ce n’est pas fini.