L'Ascension de Skywalker : L'attaque des clowns
« Les morts parlent ! »
Voilà une note d’intention incroyablement « cash pistache » (comme
disent les jeunes-vieux) qui donne une idée assez précise de ce qu’est cet
épisode 9. Le précédent film, Les Derniers Jedi avait osé – crime
de lèse-majesté ultime ! – insuffler du neuf et de l’ambition dans une
formule rodée jusqu’au ronronnement ; parmi les rebondissements les plus décriés,
celui qui nous révélait que Rey, l’héroïne de cette nouvelle trilogie, était la
fille de… paysans lambda, une simple gamine investie d’une
mission qui la dépasse. Impensable dans un storytelling aux grosses ficelles où chaque orphelin n’est jamais
vraiment orphelin. Comme seule parade, L’Ascension de Skywalker vient donc
nous dire que Rey est la petite-fille de Palpatine, despote trépassé il y a des
décennies. Mais, mort ou pas, ce Palpatine cocotte le mélèze : privé
de gros méchant (le Suprême Leader Snoke était tué dans le précédent – une autre
décision impopulaire auprès des fanboys-empaffés désormais tout-puissants), cet
épisode 9 tente de mettre tout le monde d’accord en revenant à des fondamentaux,
aussi bancals soient-ils. Et tant pis si cette « trilogie de l’erreur »
ne tient pas debout, si le 9 vient défaire le 8 dans l’espoir de refaire le 7.
(Vous suivez ? Nous non plus). Après tout, tant que le public continue de cracher au bassinet, pourquoi s'embêter ?
L’Ascension de Skywalker représente
une sorte de parangon d’une certaine pyrotechnie hollywoodienne, comme pouvait l’être Avatar
il y a 10 ans : visuellement somptueux, mais totalement dénué de sens et d’émotion – et allant suffisamment vite pour qu’on oublie que le scénario tient sur une
feuille de papier à rouler. Toujours plus immersif mais désespérément plat. Le problème
n’est pas tant de faire du fan service, pratique paresseuse mais inévitable,
que de le faire de guingois : Lando Calrissian, devenu un playboy gâteux, passe
pour prendre le thé, C-3PO est rebooté puis dé-rebooté, Chewbacca est là pour
faire pleurer les chômeurs. Quant au trio iconique de la première trilogie, leurs adieux sont au mieux cliché (Han Solo) au pire éthiquement très
contestable (Leia, générée uniquement par ordinateur à cause du décès de Carrie Fisher).
Tout sur le fond, rien sur la forme : on vous conseille
de voir le film sur grand écran (en 3D-IMAX-4DX-supplément ketchup) ou pas du
tout. Si l’envie vous prend de le regarder sur votre tablette ou votre
téléphone, vous visionnerez le spot de pub le plus long jamais tourné pour
Disneyland Paris. Ce que le film est par ailleurs, avec ses enjeux simplistes, ses
dialogues balourds et ses personnages coulés dans la cire. Il n’y a pas si longtemps,
dans une galaxie peu lointaine (son immense ranch Skywalker), George Lucas s’est
retourné dans sa tombe cinématographique en voyant L’Ascension de Skywalker.
Et si tout le monde prend aujourd’hui un malin plaisir à cogner joyeusement sur
la prélogie, elle avait au moins le mérite de s’en tenir à une progression
narrative implacable : montrer comment un gamin tête à claques était devenu
le plus grand méchant de l’histoire du cinoche. Ce qui vaut infiniment mieux qu’un
triptyque boiteux grevé par ses incohérences dues au cynisme de quelques
comptables mal intentionnés. Si l’on voulait s’adonner à de la psychologie de
troquet, on dirait même que la prélogie évoque aussi, en creux (et inconsciemment ?),
la destinée de Lucas lui-même, cinéaste artisanal devenu gourou du
tout-numérique. L’épisode 9, la mort du petit cheval ? Peut-être, quoique
pas forcément. Comme toutes les utopies 70s, la chimère Star Wars, le fantasme d’une galaxie où la
Résistance l’emporte contre un Empire omnipotent a pris fin dans le ventre mou
des « happy 90s », lorsque Saint-George lui-même a décidé que son
Evangile (sa trilogie si révérée) serait bien mieux avec des effets spéciaux
criards.
Star Wars, épisode IX : L'Ascension de Skywalker (Star Wars, episode IX : The Rise of Skywalker), J.J. Abrams, 2019. Avec : Daisy Ridley, Adam Driver, John Boyega, Oscar Isaac, Ian McDiarmid.
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