The Gentlemen : Les caves se rebiffent
La question vaut pour la mode
comme pour le cinéma : vaut-il mieux ne pas avoir de style du tout ou un
style complètement ringard ? Plus qu’à quiconque, l’interrogation s’applique pour
la carrière de Guy Ritchie. Après avoir largement tiré sur le filon d’un genre –
le film de gangsters british – devenu complètement exsangue (voir RockNRolla...
et aller se laver les yeux avec du savon juste après), Ritchie avait opéré sa
transition, de moins en moins probante, vers des blockbusters friqués, pour la
plupart exploitation de marques largement éprouvées, voire épuisées : Sherlock
Holmes, Agents très spéciaux, Le Roi Arthur... Autant
de gros films hollywoodiens ayant dilué le peu de style que le réalisateur
possédait, grosso modo fait de chichis visuels tape-à-l’œil qui nous font nous
languir du Michael Bay de la grande époque. Une démarche d’affadissement qui culminait
avec Aladdin, qui est précisément ce qu’on attend d’un blockbuster
Disney ; en premier lieu, le recyclage mercantile d’idées très lucratives,
en second lieu un véhicule de choix pour star vieillissante (Will Smith) mais à
aucun moment un long-métrage portant la quelconque marque d’un « auteur ».
The Gentlemen est
donc, paraît-il, le film du retour pour Ritchie. Retour à ses premières amours,
les petites frappes londoniennes et leur accent à couper au cutter. Retour à ses
fameux tics visuels et ce qu’on pourrait appeler la « narration Ikea »
: manuel sommaire, intrigue à tiroirs, résultat bancal. Retour, et c’est sans
doute le plus problématique, aux mêmes vieux relents racistes, homophobes et misogynes
sur lequel le genre le film de gangsters repose peu ou prou depuis toujours. Des
blagues à sens unique, répétitives, qui ne font plus rire grand-monde, et
soulignent encore un peu plus la ringardise de Ritchie, qui se condamne lui-même
à jouer toujours la même note, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Un peu comme si Tarantino s’était
contenter de bégayer des sous-Reservoir Dogs ad nauseam, plutôt
que de faire des films sur son art, son époque et l’évolution de son art à
travers les époques. (Et on ne parle là que de Once Upon a Time... In
Hollywood). Un peu comme ses personnages, mâles alphas bien bêtas et
mal dégrossis, persuadés d’être des sommets de raffinement, Ritchie est de ces faiseurs
médiocres persuadés d’être des grands cinéastes. Si la Grande-Bretagne s’évertue
à exporter ce genre de petits whiskies bien âcres, autant le dire tel quel :
merci le Brexit.
The Gentlemen, 2019, Guy Ritchie. Avec : Matthew McConaughey, Charlie Hunnam, Hugh Grant, Henry Golding, Jeremy Strong.
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