10 comédies américaines qui débouchent les sinus

Encore un top 10, vraiment ? Oui. Certes, il y a sans doute là-dessous une lubie vaguement eschatologique, comme autant de listes à écrire dans la pierre, de comptes à rebours avant l’Apocalypse. Mais quand même : on n’a pas su résister à l’idée de partager ça avec vous. Parce que vous le valez bien. Et c’est satisfait ou remboursé. Sauf que c’est gratuit. Et si c’est gratuit, c’est vous qui êtes le produit. Mais il semblerait que je m’engonce dans un vain babillage, aussi ferais-je mieux de mettre fin à ce chapo…

Les Blancs ne savent pas sauter, paniers de crabes


En 2020, Woody Harrelson alterne grosses machines pétaradantes (Hunger Games, Star Wars, La Planète des Singes) et pépites indépendantes (Wilson, Three Billboards). Wesley Snipes, lui, tente un improbable come-back dans les excellents Chi-Raq et Dolemite is my name, alors que Blade 4 se fera officiellement sans lui. En 92, tous deux jouaient des coudes sur un terrain de basket dans Les Blancs ne savent pas sauter, sommet de la comédie sportive qui jongle (ou dribble) habilement entre scènes athlétiques et plaisant marivaudage. Derrière la caméra, Ron Shelton, brillant artisan à qui l’on doit quelques belles heures du sport à l’écran : Les Adversaires, Tin Cup et surtout Duo à trois, son chef-d’œuvre. Si vous ne nous faites pas confiance, fiez-vous à Stanley Kubrick : il s’agissait d’une de ses comédies préférées.

Ça tourne à Manhattan, marche ou rêve


Camarade de classe de Jim Jarmusch ou Spike Lee, Tom DiCillo n’a jamais connu le succès de ses compères. Sans doute parce qu’il a toujours évolué dans le microcosme du cinéma indépendant pur et dur, tournant avec des budgets riquiquis et s’entourant souvent de la même troupe d’acteurs, Catherine Keener et Steve Buscemi en tête. Il a aussi confié à Brad Pitt son premier rôle principal dans le foutraque Johnny Suede – ce qui n’est quand même pas rien. Dans Ça tourne à Manhattan, son film le plus applaudi, il se raconte de façon à peine voilée à travers les heurs et les heurts d’un cinéaste indépendant (Buscemi) qui s’égare entre rêves et réalité. Le visage du rêve y est double : il est l’expiatoire des sens, celui qui nous purge de nos émotions, mais aussi celui par le biais duquel on s’adonne à tous les fantasmes de gloire, même ceux que l’on n’obtiendra jamais… Hollywood, « l’usine à rêves », n’est-elle d’ailleurs souvent pas génératrice de cauchemars ? Le titre original (Living in oblivion, « vivre dans l’oubli ») rejoint cette idée, et illustre l’angoisse qui habite sans doute chaque artiste : mourir sans laisser de traces de son passage.

Lost in America, déroute nationale 7


Prophète en son pays mais peu connu chez nous, Albert Brooks signait en 1985 son meilleur film, Lost in America. Le pitch est décapant : lassé de vivre à 100 à l’heure, un couple de nouveaux riches décide de tout lâcher pour investir dans un camping-car et sillonner le pays. Mais quand madame perd tout le bas de laine dans un casino à Las Vegas, le périple s’annonce moins fendard que prévu… Tirant à boulets rouges sur les aspirations et les hypocrisies d’une génération (la sienne) qui fantasme la contre-culture d’Easy Rider mais a fait fortune à Wall Street, Brooks tape dur et juste.

La Petite boutique des horreurs, la fleur de son secret


Adaptée d’une comédie musicale jouée off-Broadway elle-même inspirée d’une série B des années 60, cette petite entreprise de plantes carnivores, cousine ricaine du Delicatessen de Jeunet & Caro, est bien loin de connaître la crise. Autour de Rick Moranis, génialement placide, se bouscule la crème du ciné comique US de l’époque (Steve Martin, John Candy, Bill Murray…) pour un enchaînement assez irrésistible de chansons endiablées et de comique débridé. Cette excellence musicale fut entendue jusque dans les bureaux de Disney, qui embauchèrent sans tarder Alan Menken et Howard Ashman, les auteurs-compositeurs, pour donner naissance à des bandes originales ayant bercé plus d’une génération : celles de La Petite sirène et La Belle et la Bête, notamment.

Recherche Susan désespérément, maldonne pour la madone


Si on vous dit que l’une des meilleures comédies américaines des années 80 a pour actrice principale Madonna et que celle-ci y est très convaincante, le mélomane des années 20 que vous êtes sera sans doute un peu circonspect. Et pourtant ! Il y a, dans cette histoire d’erreur sur la personne et de jeu de miroirs, quelque chose qui encapsule parfaitement les « années coke et fric », le New York de l’époque, les bouleversements d’une ère charnière. Aux côtés de la Mado, quelques inconnus destinés à devenir des solides seconds couteaux (John Turturro, Giancarlo Esposito) et des solides secondes couteaux destinés à redevenir presque inconnus (Robert Joy, Mark Blum). Glaçage sur le gâteau : l'hymne du film est l’une des meilleures chansons de la longue et inégale discographie de la chanteuse : Into the Groove.

La Scandaleuse de Berlin, l’après-guerre, c’est l’enfer

Après la Seconde Guerre Mondiale, le cinéma panse les plaies d’une société encore dévastée. C’est l’avènement du néo-réalisme, du Voleur de Bicyclette, de Roberto Rossellini et sa « trilogie de la guerre », dont Allemagne, année zéro. L’indomptable Billy Wilder, plante, lui aussi, ses caméras en Allemagne et décide d’y tourner… une comédie frénétique. Le puritanisme américain, les anciens bourreaux rasant les murs dans une Allemagne pas encore dénazifiée, l’incurie politique des pays alliés : tout passe à la moulinette wilderienne qu’on pourrait même qualifier de rouleau compresseur. Il y a aussi dans le choix d’une Marlene Dietrich parfaitement vénéneuse un choix conscient de la part du cinéaste : dès 1935, elle était l’une des rares artistes d’envergure à s’élever contre le régime nazi. En 1961, Wilder reviendra par ailleurs à Berlin pour le non moins incontournable Un, deux, trois avec James Cagney en VRP de Coca-Cola remonté comme un coucou.

Smiley Face, tout est bon dans le pochon

 

Quand on pense à Gregg Araki, on songe surtout à ses récits sur des ados déboussolés racontés de façon plus (White Bird) ou moins (The Doom Generation, Kaboom) classique. On pense peu ou pas à Smiley Face, et c’est bien dommage. Véritable manifeste de cinéma-guérilla (tourné vite, bien et avec les moyens du bord), cet OVNI désopilant met en scène Jane (Anna Faris), ex-étudiante en économie, qui va vivre la journée la plus folle de sa vie, puisque, totalement défoncée à la weed, elle pérégrinera dans L.A. jusqu’à mettre la main sur l’exemplaire original du Capital de Marx. Et quand le matérialisme dialectique rencontre l’hédonisme californien, c'est le choc des cultures garanti.

Transamerica Express, ceux qui m’aiment rateront le train

Du Mécano de la « General » à tout un pan de la filmo d’Hitchcock (voir L’inconnu du Nord-Express ou le mythique plan final de La Mort aux trousses), le train est une réelle obsession cinématographique. A la fois porteur de progrès technique et synonyme d’une vitesse étourdissante, quelle plus belle métaphore pour le cinéma lui-même ? Dans Transamerica Express, en l’occurrence, le voyage ne sera pas de tout repos. On y croise des gangsters en cavale, des agents du FBI fouinards, une femme à l’étourdissant charme et surtout un duo mal assorti et chaotique, joué par Gene Wilder et Richard Pryor, deux des plus grandes stars comiques américaines de l’époque. Sortes d’Elie & Dieudonné avant la lettre  - l’un était juif, l’autre noir -, Wilder & Pryor pouvaient se permettre de cogner sur tout et tous. Dommage que leur complicité évidente n’ait donné lieu qu’à un grand film ; les 3 qu’ils tourneront par la suite seront déjà beaucoup moins essentiels.

Vous ne l’emporterez pas avec vous, toutes les familles sont psychotiques


Frank Capra et James Stewart, c’est une belle rencontre et un fructueux duo de cinéma. Moins moral que Monsieur Smith au Sénat et moins fédérateur que La Vie est belle, leur 1re collaboration ensemble, Vous ne l’emporterez pas avec vous, est sans doute leur film le plus fou à tous les deux. L’argument est d’une simplicité biblique : un homme d’affaires peu scrupuleux est prêt à tout pour faire plier la famille (de doux dingues) propriétaire de la seule maison encore debout qui l’empêche de construire une usine. Et puisque les choses ne sont jamais aussi simples, des histoires de cœur vont évidemment s’en mêler. C’est une brillante comédie adaptée d’une pièce de théâtre se réappropriant justement le thème classique des « maîtres et valets » cher aux tréteaux et remis au goût du jour, qui annonce les familles boiteuses et attachantes de Wes Anderson. C’est aussi un précipité de tout ce qui fait le cinéma de Capra : humanisme, empathie, apologie des petites gens et triomphe des « vraies valeurs » sur le cynisme et l'avarice – car c’est bien cela qu’on « n’emportera pas avec nous » : l’argent.

Un vrai schnock, banjo l'angoisse

On a aujourd’hui de Steve Martin l’image d’un comique vaguement has-been, figé dans des comédies familiales lénifiantes d’un autre âge (Le Père de la mariée, Treize à la douzaine). Réduire Martin à ça serait pourtant une monumentale erreur : dès les années 70, après quelques passages remarqués au légendaire Saturday Night Live, il se fait une belle réputation dans le stand-up, puis se diversifie en tant qu’acteur de cinéma complet, nouvelliste, dramaturge ou joueur de banjo au sein d'un groupe de bluegrass, sous-genre de la country music. Un vrai schnock, récit hilarant d’un type au QI somme toute limité qui devient riche et célèbre puis à nouveau pauvre et anonyme sans trop comprendre comment ni pourquoi, n’est finalement que le début d’une longue et foisonnante carrière, jalonnée de titres qu’on s’abstiendra de tous citer par souci de concision. Prochaine idée de top 10 : les films les plus injustement méconnus de Steve Martin.

Et pour poucer, commenter, réagir à un "blog unique et éblouissant" (citation de Blogger) : Sitcom à la Maison !

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