Renfield, mauvais sang
Que faire quand on a dans son catalogue les droits d'exploitation de monstres mythiques (Dracula, Frankenstein, l'Homme invisible) qui prennent la poussière au grenier ? Suivre docilement les tendances de son époque, visiblement. Après l'échec du joli Dracula Untold, adaptation sombre et pseudo-historique (comprendre : louchant sur Game of Thrones) et surtout le gadin monumental d'un univers partagé tué dans l’œuf dès l'abyssale Momie, Universal retente sa chance avec Renfield, comédie enlevée centrée sur l'arpète éponyme du comte de Transylvanie. Une version rajeunie et saupoudrée d'éléments (de langage) contemporains : la relation entre le « pervers narcissique » Dracula et son familier est désormais « toxique » et « co-dépendante » – rien qui ne puisse être réglé avec des bouquins de développement personnel, fort heureusement !
Comme d'autres réinventions de marques bien connues, Renfield est conçu comme un mash-up et pioche ici et là pour maximiser ses chances, comme un lycéen sur Parcoursup. (On dit ça mais on n'entrave rien à comment Parcoursup fonctionne, si tant est que quiconque puisse.) À une intrigue de vampires somme toute classique, on ajoute des refourgueurs de drogue qu'on jurerait échappés d'une comédie policière de 1988 et du gore joyeusement décomplexé que n'auraient pas renié John Landis ou le Peter Jackson des débuts. Et tout cela, dans le ton comme dans l'esthétique, distille une ambiance fortement sitcomesque – sensation sans doute renforcée par la proximité avec What We Do in the Shadows, série ayant récemment dépoussiéré le genre avec absurdité et subtilité. Hélas, cette multiplication des tons et des pistes narratives dessert le film plus qu'autre chose. Balancer pêle-mêle ce qu'on a sous la main pour voir si tout ça tient debout marche sans doute pour une tente deux secondes ; pour un scénario de cinéma, c'est en revanche un peu plus compliqué...
Comble de l'incongruité, même le personnage de Dracula est étonnamment sous-exploité. Nicolas Cage y apparaît... on n'ose pas dire tout en retenue, car c'est une étiquette qu'on pourrait difficilement lui accoler, mais en tout cas plutôt sobre. Là où la grandiloquence et le baroque du personnage aurait pu fournir à Cage l'occasion de lâcher les chiens et laisser parler le Vincent Price qui est en lui. A s'éparpiller sans jamais embrasser son irrévérence jusqu'au bout, Renfield finit, hélas, par ne mordre que la poussière.
Renfield, Chris McKay, 2023. Avec : Nicholas Hoult, Nicolas Cage, Awkwafina, Ben Schwartz, Shohreh Aghdashloo.
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