Sitcom à la Maison est fier d'accueillir le temps d'une chronique le grand Thibault Counali. Il adore jouer de la batterie ou regarder la série Succession mais a une sainte horreur du mot "aoûtien".
Remontons jusqu’en 2002. J’ai 9 ans et comme beaucoup de
petits garçons, j’aime bien les super-héros. Deux se distinguent
particulièrement dans mon imaginaire : Spider-Man et Batman. J’ai quelques bonshommes et un ou deux comics.
Rien du fan hardcore. J’aimerais moi aussi avoir des pouvoirs (ou alors une super-carte de crédit). Le Spider-Man de Sam Raimi sort alors et, comme
tout le monde, je suis transi par le film, sa musique, ses premiers effets
spéciaux. J’aime le premier volet, le 2 et le 3, qui pour une raison obscure
(Venom ?) reste mon préféré. Pour autant, je ne suis toujours pas un
fétichiste des films. Je les aime pour leur valeur nostalgique sans jamais
renier leurs défauts. Je demeure rationnel ; ce sont des films sympathiques, pas
de chefs-d’œuvres à mon sens.
Mais tout a changé avec ce Across the Spider-Verse.
J’avais vu le premier volet durant le Covid : étant un des patients zéro de
la « superhero fatigue », j’arrivais comme un spectateur blasé. Mais
que nenni : c’était extrêmement beau, rafraichissant et très touchant. Un
film que j’avais suffisamment aimé pour être curieux de voir la suite. Je crois
que je n’étais tout simplement pas prêt pour ce que j’allais voir et ressentir.
Je ne pensais pas être complètement emporté par le film. Bousculé.
Acculé.
L'introduction s’ouvre non pas sur Miles mais avec Gwen, ce
qui donne encore plus d’épaisseur à ce personnage. La première claque ! Chaque
plan est une toile de maître qui donne des émotions tout en retranscrivant ceux
des protagonistes. L’action est un ballet de corps esthétisés – le tout avec
des affrontements de styles esthétiques. Le film est donc ainsi lancé.
On passe à Miles et je me rends compte de tout le travail effectué dans le premier
paye, tant je suis content de le retrouver. Je trépigne d’impatience que
les deux tourtereaux – dignes de Roméo et Juliette – se revoient enfin. On voit
Miles s’épanouir dans sa nouvelle vie et son nouveau costume. Détail
notable : Spider-Man arrive plus facilement à parler avec son père que son
alter ego. Le film nous entraine à Bombay
puis jusqu’à la Spider-Society. Encore une fois, je n’étais pas prêt. Chaque
univers possède sa patte graphique. C’est toujours intéressant et subtil à la
fois.

La révélation sur le fonctionnement du Spider-Verse était
prévisible mais est parfaitement exécutée. Cela démontre tout le savoir-faire
de studios Sony. Il n’y a pas toujours besoin de réinventer la route pour faire
les choses bien. La question est :
pourquoi est-ce que ça fonctionne ici, alors que je me suis ennuyé devant
Doctor
Strange in the Multiverse of Madness ou ai été simplement diverti
devant
Spider-Man : No Way Home ? Cela tient à une
chose principale : ses personnages. Le film se paye le luxe de les développer tout en nous faisant voyager entre les univers, sans jamais nous perdre. Sans pour autant que le rythme s'essouffle, même avec une introduction de quinze
minutes sur Gwen. C’est dire la maîtrise.
Mais revenons à notre scénario. Après une poursuite
absolument dantesque arrive le climax de ce film, la confrontation entre Miguel
et Miles. J’ai trouvé cette scène incroyablement puissante. Elle peut avoir de
nombreuses résonnances selon les affinités de chacun. Que ce soit le fait que
Miles n’ait pas été un personnage très apprécié avant les films, l’idée de
racisme ou tout simplement le fait de grandir et savoir qui on veut être :
chacun peut y voir midi à sa porte.
C’est le point culminant de ce film. Après qu’on a eu toutes
les peines du monde à croire en lui pour devenir Spider-Man, on voit que Miles
est désormais prêt. Il refuse le système et ses normes absurdes : « Je vais
écrire ma propre histoire ». Le message de la mère de Miles me frappe
encore plus fort : « Ne laisse personne, te dire que tu n’es pas à ta place. »
C’est fort. Très fort. Sans rentrer dans le débat stupide de savoir qui est le
plus fort des Spider-Man, je me dis que Miles fait preuve d’une force de
caractère extraordinaire. Il dégage une humanité si puissante quand il est debout
sur le train et qu’il toise tous ses avatars avant de faire son second « leap
of faith ». « Keep going », lui a dit son oncle. C’est
dans ces mots que Miles puise toute sa motivation. Et ça m’a pris aux tripes. (Les
miennes, pas celles de Caen).
Au risque de me répéter : ce film m’a mis K.O. Je me suis revu à 9 ans,
dans cette petite bulle enfantine qui nous protège du monde des méchants
adultes. Bien sûr que je m’identifie énormément à Miles, sûrement que ma
couleur de peau y a quelque chose à voir. Mais je pense que chacun peut se
retrouver dans Miles à sa manière. C’est ce qui fera toujours la
véritable force d’un film, ses personnages et les enjeux qu’ils rencontrent. Le
film a pris le temps de les poser. D’explorer les relations qui les lient. D’où les émotions qui en découlent. Même le
méchant, La Tache, assez peu présent à l’écran, est plus développé que 90 % des
personnages du MCU. Il passe du petit méchant rigolo au destructeur de mondes effrayant.
Tout dans ce film transpire l’amour de l’univers Spider-Man
sans jamais tomber dans le fan service inutile. Il y en a, bien évidemment,
mais toujours pour servir le récit. Une multitude de personnages avec une
identité et un design propre. Tout cela donne un festival visuel et sensoriel.
La bande-son de Daniel Pemberton est fabuleuse, faisant ressortir chaque
émotion au millimètre. Le tout assorti de hits comme Annihilate ou mon
préféré, Hummingbird.
Ce film est une ode au voyage. Spider-Man est un héros avec
une place particulière dans le cœur des fans et rien ne sera plus pareil après
ce film. Il lui donne une dimension qu’aucun héros n’avait eu. Je dis cela en tant
que fan absolu de The Dark Knight, qui réussissait déjà l’exploit
de faire d’un film de super-héros un chef d’œuvre cinématographique. ATSV
va encore plus loin. C’est le plus beau des films d’animation - et je
pèse chaque mot -, et surtout l’un des meilleurs films jamais réalisés.
C’est pourquoi je meurs à chaque seconde d’attente pour la
suite. Un seul conseil, donc : foncez le voir au ciné.
PS : Je n’ai (hélas) pas été payé par Sony pour écrire cette
chronique.