Super-héros & multivers : Et pour quelques dimensions parallèles de plus

Vous avez vu la bande-annonce du prochain Spider-Man. Vous vous demandez ce que viennent y foutre Albert Molina et Jamie Foxx, alors que les précédents films signés Disney-Marvel avaient eu pour but de les faire oublier ? Vous venez – sans peut-être même le savoir – de mettre le doigt dans ce qu’il est convenu d’appeler dans le jargon le « multivers » ou univers multiple, qui sert, depuis l’avènement des comic books, à apporter un peu de cohérence à des mondes en perpétuelle expansion, et depuis peu sur grand écran aussi. Accrochez vos ceintures, on va partir loin. Et vite.

La 100 000e dimension

Notre belle planète bleue connaît près d’une infinité de versions différentes. Dans les comic books DC et Marvel, tout du moins, où un nombre incalculable de récits, publiés en bientôt en un siècle d’existence, aura rendu impossible la cohérence, pourtant clé dans le genre. Rien que chez Marvel, par exemple, la majorité des histoires « canon » prennent place sur la Terre n°616, alors que d’autres, contées au sein de la nouvelle collection lancée à l’orée des années 2000, se déroulent sur la Terre n°1610. Et on ne parle même pas des versions de la Terre qui abritent des événements uchroniques, où l’on peut découvrir, chez DC, des aventures de Batman au XIXe siècle ou de Superman recueilli non par de braves fermiers ricains mais par des camarades soviétiques… Vous n'y bitez pas grand-chose ? Normal : le concept de « Terres parallèles » a souvent été utilisé par les deux compagnies pour colmater les brèches de leurs chronologies respectives, en usant et abusant de concepts (pseudo-)scientifiques comme le fameux (fumeux ?) effet papillon ou l’antimatière chère à Star Trek pour expliquer les voyages inter-dimensionnels.

En 1985, DC Comics fête ses 50 ans et doit se rendre à l’évidence : le concept des Terres parallèles est devenu irrespirable et personne n’y entrave plus rien. Pour marquer le coup de son demi-siècle d’existence, la firme met les petits plats dans les grands et, tel un candidat à la présidentielle nous promettant des lendemains qui chantent, jure et crache qu’elle n’y recourra plus. C’est la mini-série-événement Crisis on Infinite Earths qui se charge de tout remettre à plat. Mais, chassez le naturiste, il revient au bungalow : en quelques années, la continuité se complique encore. Depuis, à intervalles réguliers, ont lieu des reboots lancés pour faire frétiller un public captif, ajoutant quelques couches supplémentaires au mille-feuilles du multivers.

Tempus fluctuat

Jusqu'au sautillant Spider-Man: New Generation, qui nous donnait à rencontrer une demi-douzaine de variations de l'Homme-Araignée, les univers ciné Marvel et DC s’étaient plutôt abstenus d'expliciter le principe des Terres parallèles, en dépit de chronologies parfois erratiques. Pour des raisons avant tout mercantiles : Iron Man et ses potes zonaient chez Disney, Wolverine et Magneto chez la Fox et Spider-Man chez Sony (et donc sur 3 Terres différentes), mais jamais au grand jamais, on ne devait y faire référence, compétition oblige. Mais l’argent n’a pas d’odeur, raison pour laquelle tout ce petit monde peut désormais folâtrer ensemble. D’où la présence de Foxx et Molina dans le prochain Spider-Man (en attendant d’autres œufs de Pâques ?). D’où le retour, aussi, de Michael Keaton, en Batman dans le futur Flash, lui aussi bien chargé en tambouille spatio-temporelle. (On apprend au passage que les Bat-versions de Val Kilmer et George Clooney appartiennent eux à une dimension différente ; l’occasion idéale d’oublier la période Joel Schumacher ?)

Chez la Fox, même idée d'une cohérence intenable : la tétralogie de préquels X-Men raccroche péniblement les wagons avec la 1re trilogie, tandis que Logan, néo-western gore plus proche d’Impitoyable que de Superman, témoigne de la latitude créative laissée à son auteur James Mangold. Christopher Nolan, lui, explique carrément que son Batman évolue dans un monde où aucun autre super-héros n’existe, puisque sa volonté d’enfiler masque et cape émane de l’unique motivation de venger le meurtre de ses parents. Radical. Seuls les films du MCU jouent la sacro-sainte continuité à tout prix, notamment en introduisant puis en promouvant le cosmique Doctor Strange et la sorcière Wanda, aux pouvoirs en prise avec la 4e dimension. Et, quoique l’on pense de ces films, en tant que tels ou comme adaptation d’un matériau préexistant, ils sont au moins en cela fidèles aux comic books : par la grâce des cross-over inter-franchises et des petits arrangements sonnants et trébuchants, désormais, tout est possible. Tous les super-héros de votre enfance, de votre adolescence et de votre âge (à peu près) adulte peuvent se foutre sur la gueule. Nostalgics, assemble!

Ce n’est donc peut-être pas un hasard si les décideurs de chez Marvel font désormais leurs emplettes chez les vétérans de Rick & Morty, série qui, plus que toute autre, nous aura ouvert des fenêtres zinzins sur des univers parallèles à perte de vue. Largement de quoi faire pâlir d’envie l’immense William Blake, qui rêvait lui de « voir le monde dans un grain de sable ».

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