Bad Boys: Ride or Die, memento mori à Miami

 


Tout l’argument de ce quatrième Bad Boys tient dans son sous-titre : Ride or Die ou, comme le disent bien nos cousins québécois « A la vie, à la mort ». Il y a presque trois décennies que ces mauvais garçons ont éclaboussé l’écran de leurs rutilantes aventures et le temps s’est pour eux aussi envolé. Dès le début, peu de place est laissé au doute : l’éternel célibataire Mike Lowrey (Will Smith) convole en justes noces et devient sujet aux crises d’angoisse tandis que Marcus Burnett (Martin Lawrence), le pater familias, est victime d’une crise cardiaque qui lui vaut une expérience de mort imminente. Les deux flics se sont indubitablement assagis, et le paquetage s’en ressent ; les morceaux de bravoure – dont une évasion aérienne bien sentie et une chasse à l’homme champêtre – ont toujours lieu à intervalles réguliers, mais Ride or Die tente aussi, à sa façon bigarrée, de montrer les êtres de chair et de sang qui se cachent derrières les machines à punchlines. Soit tout l’inverse de la politique de la terre brûlée filmique chère à Michael Bay, pour qui le cinéma n’est que blagues de fesses, filles dénudées et voitures qui explosent.

Que l’on ne s’y trompe pas, cependant : si Bad Boys a effectué une telle mue, c’est aussi en s’adaptant sans trop d’inventivité aux tendances dominantes de son époque. Car, entre 2003 et 2020, c’est-à-dire entre Bad Boys 2 et 3, le cinéma d’action américain aura été influencé voire vampirisé par la saga Fast & Furious, devenu le mètre-étalon d’un certain cinéma pyrotechnique et bourrin. Chaque film est aussi le produit de son époque : à l'orée des années 1990, dans Le Dernier samaritain, Bruce Willis théorisait que l'on ne pouvait plus « frapper un gars sans balancer quelque chose de cool avant ». Désormais, il semblerait que peu ou prou tout film d'action reprenne les codes de F&F : dans Bad Boys For Life, par exemple, on inventait un fils à Mike Lowrey pour injecter une bonne dose de familialisme dans les aventures longtemps inconséquentes de ce tandem de choc. Dans ce nouvel opus, on réinterprète certains événements des précédents films pour faire croire à une « mythologie » inexistante et l’on réécrit des personnages – particulièrement symbolique est l’évolution du supérieur hiérarchique des bad boys, le capitaine Howard, passé en quatre films de patron cartoonesque (il fume des barreaux de chaise et profère des jurons colorés) à figure tutélaire en chemise à fleurs. Ultime péché mignon de cette saga régénérée : entourer les personnages devenus vétérans d’un tas de jeunes arpètes – un techno-geek, une reine de la gâchette… – pour constituer une family que n’aurait pas renié Dominic Toretto. (xXx, série de films qui partage sa tête chauve et pensante avec Fast & Furious, en faisait d’ailleurs de même dans son dernier volet.)

S’adapter ou mourir – tel pourrait donc être le vrai sous-titre de ce nouveau volet. C’est bel et bien une question de vie ou de mort pour cette saga qui fleure bon les années 90, anomalie à l’heure où les nouveaux héros d’action (Tyler Rake, Agent Stone, Road House…) sont « exclusivement disponibles » sur votre plateforme préférée. Face à cela, la sale réputation de Mel Gibson rend improbable l’idée d’un Arme Fatale 5, tandis que Bruce Willis sucre les fraises et n’entonnera plus jamais « Yipee ki-yay! ». A l’instar du Flic de Beverly Hills, que Netflix a curieusement ressorti du congélateur, ces Bad Boys font donc figure de darons, légèrement déclassés, du genre. Mais pour combien de temps encore ? Tiens, peut-être qu’ils pourraient rappeler Téa Leoni, héroïne du tout premier opus, histoire de boucler la boucle et servir à tout ce petit monde une dernière tournée avant la mise en bière ?

Bad Boys: Ride or Die, Adil El Arbi, Bilall Fallah, 2024. Avec : Will Smith, Martin Lawrence, Vanessa Hudgens, Alexander Ludwig, Jacob Scipio.

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