Kill, on se fait un rail ?
Kill est, paraît-il, le revenge movie de la rentrée – du moins d’après son distributeur français qui, pas bégueule, use de cet argument littéralement massue pour vendre le film. On garderait, pour notre part, la tête un peu plus au frais : si ce dernier export indien se savoure comme une série B bien troussée, il est assez difficile de passer outre toutes ses scories. Lesquelles sont peu ou prou les pires tares du cinéma d’action, qu’il vienne d’Inde ou d’ailleurs : scénario indigent, dialogues bancals, interprétation inégale, volonté de souligner par la musique toute rupture de ton ou saute d’humeur du film (pratique nommé mickeymousing dans le milieu)…
Ceux qui comparent Kill
à la franchise John Wick – et ils sont nombreux – ont-ils étudié
de près les films de cette saga portée par Keanu Reeves ? Nous oui, assez,
et on s’autorisera à dire qu’ils sont infiniment mieux façonnés, plus stylisés et
même plus lyriques que n’importe quelle minute de Kill. Et, même sans traverser l’océan Pacifique, le
cinéma asiatique – qu’il soit hongkongais (patrie des vénérables John Woo ou de Johnnie To)
ou indonésien (The Raid et
sa suite, du cinéaste gallois expatrié Gareth Evans) – nous a déjà montré ce dont
ses bras saillants étaient capables. Rapidement désoeuvrés, on en vient alors à lister les verbes appartenant au champ lexical de la mise à mort, qui nous seront bien pratiques lors d'une prochaine partie de Scrabble : énucléer, émonder, écerveler, éviscérer, exorbiter, désopiler...
Il faut donc mettre pas mal d’eau dans son vin pour apprécier cet objet-là et se contenter d’un shoot ’em up ferroviaire, entre le marmoréen héros et ses 36 adversaires, moins nombreux mais pas moins interchangeables que les Crazy 88 de Kill Bill. Difficile, en tout cas, de prétendre que ce Kill-là nous change du train-train quotidien.
Kill, Nikhil Nagesh Bhat, 2023. Avec : Lakshya, Raghav Juyal, Tanya Maniktala, Abhishek Chauhan, Ashish Vidyarthi.