Top Five : Le chant des sirènes
De Chris Rock, on retient souvent les sketchs, souvent très
drôles, sur les planches de stand-up et la carrière inégale devant la
caméra, qui va du sympathique (L’Arme
fatale 4, Panique aux funérailles) au pitoyable (Copains pour toujours). Ce que l’on sait moins, c’est que
Rock est aussi réalisateur : c’était d’abord le cas avec Président par accident, satire très
moyennement réussie de la démocratie américaine, malgré l’abattage efficace de
Rock et de Bernie Mac ; ensuite avec le formidable Je crois que j’aime ma femme, improbable et hilarant remake de L’Amour l’après-midi, d’Eric Rohmer. Aujourd’hui,
il revient avec Top Five, dont
l’incontestable réussite constitue une nouvelle étape pour son
auteur-réalisateur-acteur et que l’on peut voir comme une synthèse des éléments
de ses deux premiers films : un type venu de nulle part parvenu un peu par
hasard aux cimes (comme dans Président par accident) va être mis à l’épreuve
des questions de la loyauté et de la fidélité dans sa vie de couple – comme
dans Je crois que j’aime ma femme.
Sur
un postulat qui pourrait être autobiographique (un acteur s’étant illustré dans
des comédies lourdingues fait tout pour être pris au sérieux), Rock livre un
film mené tambour battant, mariant de façon assez idéale gags hilarants, qu’ils
soient verbaux (héritage des années passées à se rôder sur les planches) ou
physiques (la scène du Tampax), et introspection de bon aloi. Plus encore, Top Five affirme une fois de plus (et une
bonne fois pour toutes ?) la vis
comica assez unique de Rock et où elle se situe dans le paysage comique
américain actuel : quelque part entre Mel Brooks et Woody Allen, jamais contre
l’idée d’une blague salace (à l’instar d’un Adam Sandler, copain de boisson de
Rock qui vient d’ailleurs claquer la bise le temps d’un caméo) mais pour autant
fin, malin et subtilement offensif. A l’heure où l’on ne peut que se lamenter
de l’essoufflement d’une certaine comédie américaine « dominante »
(Seth Rogen, Jonah Hill et consorts), redécouvrons les mérites de Chris Rock,
seul vrai pourvoyeur d’un comique assurément black et identifié comme tel qui ne tombe pas dans le
communautarisme facile – Tyler Perry, si tu nous lis… Dans le genre, et à l’échelle
de la carrière de son auteur, c’est presque un tour de force.
Top Five, Chris Rock, 2014. Avec : Chris Rock, Rosario Dawson, Gabrielle Union, J.B. Smoove, Tracy Morgan.