Glass Onion, obscènes rupins

 


Il paraît que Rian Johnson était « vénère » que son film Glass Onion doive porter le sous-titre « Une histoire à couteaux tirés ». C’est pourtant cette filiation avec l’un des succès-surprises de 2019 qui lui a permis de mettre en branle des suites pour Netflix et y décrocher au passage des budgets sonnants et trébuchants – 469 millions de dollars pour deux films, excusez du très peu. Traumatisé par son expérience sur Star Wars, Johnson se boucherait-il désormais le nez dès qu’il voit ce qui ressemble de près ou de loin à une franchise ? Comme toute séquelle, Glass Onion ne peut effectivement pas compter sur l’effet hold-up du premier volet, bardé de belles surprises : celle de découvrir Daniel Craig loin du costume étriqué de James Bond et d’avoir affaire à un whodunit à l’ancienne, directement hérité d’Agatha Christie… Et pourtant, ça fonctionne, peut-être plus encore que ça devrait. Comment se fait-ce ?

D’abord parce que Johnson est – plus encore qu’un cinéaste visionnaire – un redoutable scénariste et orchestre un nouveau récit jalonné de chausse-trappes et de harengs rouges. Le concept est élémentaire : chaque situation, chaque personnage, chaque dialogue est possiblement doté d’un double fond et porteur d’un sens caché. Charge au spectateur, ensuite, de faire très attention, réassembler le Rubik’s Cube et en tirer du sens. Un plaisir enfantin, presque régressif, des plus immersifs – et tout ça sans lunettes 3D ou écran IMAX, s’il vous plaît.

Ensuite parce que Rian touche sa cible. Comme À couteaux tirés, Glass Onion chasse sur les terres des (ultra-)riches et passe au grill les odieux ronds-de-cuir : magnats de la tech, politiques corruptibles, influenceurs teubés d’Instagram ou de Twitch, bénis-oui-oui qui les laissent faire, et même ceux qui utilisent le mot « disruption » à tout bout de champ... Les ficelles peuvent paraître grosses ; elles le sont parfois. Reste que dans un monde où l’on subit au quotidien les rodomontades des Elon Musk, Donald Trump et autres Kanye West, une telle satire est tout à fait pertinente. Castigat ridendo mores en effet et, tant que les riches s'enrichiront, Johnson aura bien de quoi aiguiser ses schlass.

Suite au prochain épisode, donc, et même un peu avant : en sus des films, le réalisateur lance une série télé, une pièce de théâtre et un jeu de société pour étendre l’univers (selon la police) ou épuiser la vache à lait (selon les syndicats). Quoi qu’on en pense, la SARL Johnson est une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Travaillant de concert avec une plateforme qui fait la nique aux salles de cinéma, un acteur libéré de ses obligations sur une des plus grosses sagas au monde et des vedettes ravies de passer jouer les enflures comme vous et moi allons en soirée déguisée, Rian Johnson pourra sans doute sortir des films comme Lady Agatha pondait des romans ; après tout, c’est aussi ça l’idée.

Glass Onion, Rian Johnson, 2022. Avec : Daniel Craig, Janelle Monae, Edward Norton, Kathryn Hahn, Kate Hudson.

Et pour poucer, commenter, réagir à un chouette blog : Sitcom à la Maison !

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards