Blue Beetle, petit scarabée deviendra grand

 


Un vieux proverbe berbère dit que, lorsqu’on ne sait pas où on va, il vaut mieux retourner d’où on vient. De fait, après l’indigent Black Adam et le boursouflé The Flash, l’univers ciné DC-Warner – ou ce qu’il en reste – ne pouvait trouver plus belle aubaine que de rebondir avec le sympathique Blue Beetle. Un film qui ressemble aux films Marvel du début des années 2000 ; on dirait un reproche, mais c’est pourtant loin d’être le cas. En effet, Sam Raimi (dans sa trilogie Spider-Man) et Bryan Singer (dans les deux premiers X-Men) cherchaient avant tout à ne pas mettre la charrue avant les bœufs : à raconter une histoire simple, aux proportions modestes, à taille humaine, loin de la surenchère pathologique qui touche le genre aujourd’hui.

Sous la capuce de Blue Beetle se cache le post-ado débonnaire Jaime Reyes (Xolo Maridueña, très à l’aise) qui, comme naguère Peter Parker, devra apprendre à vivre avec de bien encombrantes facultés. (Et l’analogie entre super-pouvoirs et changements corporels induits par l’adolescence est désormais bien connue.) La vie n’est pas rose chez les Reyes : le patriarche, victime d’un AVC, a dû hypothéquer son garage auto pour couvrir les frais médicaux, et la famille devra bientôt décamper, du fait de la gentrification de son quartier, désormais envahi par les Starbucks et le yoga Bikram. On est loin du luxueux manoir de Bruce Wayne. Dans une scène, le gros mot est même lâché par Rudi, l’oncle conspi (le grand George Lopez) : Batman ? « Un fasciste » ! De fait, sous ses airs de ne pas y toucher, Blue Beetle nous rejoue l’air de la lutte des classes : la grande méchante du film, Victoria Kord (Susan Sarandon, inspirée) est à la tête d’un conglomérat pseudo-philanthrope qui a du sang sur les mains et ne pense qu’à bétonner des quartiers entiers de Palomar City, doppelgänger fictif de Miami. Ken Loach n’est pas très loin. Angel Manuel Soto, dont c’est le premier blockbuster, semble en tout cas plus intéressé par cet aspect du film que par les inévitables affrontements entre super-types sévèrement burnés et lourdement armés. On a vu pire en la matière (comprendre : on a vu les deux Venom), mais on a vu bien mieux, ça c'est sûr.

Dom Toretto n’est pas bien loin non plus : comme dans Fast & Furious, il n’y a peu ou prou que pour la « familia », noyau dur inattaquable par et pour qui toute l’action arrive. Il semblerait que l’une des raisons d’existence de ce Blue Beetle soit aussi de « raconter des histoires » plus proches du vécu, de l’expérience bien réelle des Latino-Américains. Même si l’on est, bien sûr, en droit de se demander si de si nobles intentions sont compatibles avec les objectifs mercantiles d’une entreprise comme Warner. Pas vraiment de quoi bouder son plaisir cependant : dans son genre, Blue Beetle est sans doute ce qu’on a vu de plus raisonnable et, osons le dire, de plus sincère depuis un bail.

Blue Beetle, Angel Manuel Soto, 2023. Avec : Xolo Maridueña, Susan Sarandon, George Lopez, Adriana Barraza, Belissa Escobedo.

Et pour poucer, commenter, réagir à un chouette blog : Sitcom à la Maison !

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards