Ballerina danse avec les relous

 


On dit que l’imitation est la plus belle forme de flatterie. Sans doute John Wick, le justicier solidaire incarné par Keanu Reeves, devrait-il alors se réjouir d’être devenu le patron – dans les deux sens du terme : celui de taulier et celui de modèle qu’on cherche à reproduire – du cinéma d’action contemporain. D’être celui qui sert d’inspiration à presque tous les autres, qu’il s’agisse de concurrents (Equalizer, Monkey Man ou les thrillers gériatriques de Liam Neeson), de cousins (Nobody, avec lequel la franchise partage un scénariste) ou, à présent, de petites sœurs. Le cheminement de Ballerina de la page jusqu’à l’écran en dit déjà assez long sur son appât du gain : développé comme un film d’action autonome par le scribe Shay Hatten, il a finalement été « rétro-ingénié » pour faire office de spin-off à la saga précitée… Comme The Continental, série télévisée narrant les vertes années de l’aubergiste retors campé par Ian McShane, Ballerina démontre aussi et surtout la difficulté de cette franchise à faire exister son univers en dehors de son bouillonnant personnage principal.

Car, même raccroché in extremis à cette branche prestigieuse et lucrative, Ballerina ne sort jamais vraiment du tout-venant du cinéma d’action. Là où le virtuose Chad Stahelski, tête pensante de la saga John Wick, orchestrait la synthèse improbable – mais réussie – d’inspirations très diverses (films de sabre façon Shaw Brothers, gunfights acrobatiques proches de John Woo, burlesque très physique à la Buster Keaton), le passepartout Len Wiseman (Underworld, Die Hard : Retour en enfer) se contente de faire vivoter une formule hollywoodienne rodée il y a trois décennies. Même problème de l’autre côté de la caméra : quand le corps gracile et sans âge de Keanu Reeves donnait un aspect aérien aux scènes de baston, les combats tiennent ici du shoot’ em up bien plus basique, rapidement soldé par un lance-flammes ou une balle magique trop bien décochée. Détail explicite quant à la confiance accordée à cette ballerine badass par les producteurs : dans le dernier acte, c’est John Wick, et personne d’autre, qu’on appelle à la rescousse pour aider à dégommer la sale trogne du jour. Et redonner un peu de souffle à un long-métrage qui en manquait cruellement ?

Si Ana de Armas se glisse sans mal dans le tutu du rôle-titre, ce sont, comme dans les autres volets de John Wick, les seconds couteaux qui affûtent Ballerina, entre vieilles gloires hollywoodiennes peu associées à ce genre de films (Anjelica Huston, Gabriel Byrne) et rares ganaches peckinpahesques peuplant encore le cinéma hollywoodien (Ian McShane, Norman Reedus). Autre choix de casting, peut-être le plus symbolique quoiqu’il ait été écarté du montage final : celui d’Anne Parillaud, immortelle Nikita, mère spirituelle malgré elle de toutes ces héroïnes vénères encore trop souvent laissées (volontairement ?) dans l’ombre de leurs alter-egos masculins.

Ballerina (From the World of John Wick: Ballerina), Len Wiseman, 2025. Avec : Ana de Armas, Keanu Reeves, Ian McShane, Anjelica Huston, Gabriel Byrne. 

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