Solo : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Han (sans jamais en avoir rien à faire)


 
Trois petites années après sa résurrection, aurait-on déjà atteint le point de saturation de Star Wars 3.0 ? L’hypothèse se défend, alors que les chiffres au box-office sont largement décevants pour un film de la sorte et que beaucoup des habituels thuriféraires de la saga semblent vouloir voir le verre à moitié plein, là où le barman a été plus que chiche. Une telle désaffection générale ne sort évidemment pas de nulle part : comme pour le précédent spin-off, des rumeurs affolantes du tournage donnaient une idée assez précise du degré d’entropie qui semble désormais régner à bord du vaisseau-mère. On rembobine brièvement : Phil Lord et Chris Miller, les deux rigolos derrière 21 Jump Street et La Grande Aventure Lego avaient été débarqués avec force et fracas de la réalisation du film, car jugés trop originaux et fantasques pour gérer un blockbuster millimétré comme le Débarquement. Un « syndrome grippal » désormais classique, que l’on avait déjà pu disséquer dans ces colonnes.
 
Celui qui se levait du banc de touche pour les remplacer, c’était Ron Howard, ex-enfant acteur devenu cinéaste sous le haut patronage d’un certain… George Lucas. Faire appel à Howard, c’était donc envoyer un signal éminemment rassurant à ceux que tant de remue-ménage interne inquiétait ; donner l’idée qu’on aurait à faire à du Lucas sans Lucas. De fait, là où Rogue One et Les Derniers Jedi emmenaient la saga chasser sur de nouveaux terrains, respectivement visuels et thématiques, Solo est sans doute le film Star Wars le plus proche de la lettre d’origine (pour ne pas dire conservateur) depuis Le Réveil de la Force. Là où l’épisode 7 était le film d’un ex-gamin encore marqué par un choc cinéphilique d’enfance, une sorte de fan fiction à 400 milliards de dollars, Solo est le film d’un employé modèle, d’un type plus appliqué que vraiment brillant, avant tout ici pour exécuter sa mission en temps et en heure, et surtout pas se mettre à dos son encombrant mentor. Ce qui ne veut pas dire que le bonhomme ne connaît pas son métier : dommage que Solo rappelle le Howard de Robert Langdon plutôt que des excellents Rush et Au cœur de l’océan.

 
Les meilleures intentions, pourtant, étaient là. Pour coller au caractère roublard du plus casse-cou des corsaires stellaires, le récit se place d’emblée dans une intrigue qui adopte les codes du western et du film de braquage après un passage néanmoins obligé par le film de guerre (on pense notamment aux Sentiers de la Gloire), génome incontournable de la saga depuis toujours. Mais de ces genres peuplés de hors-la-loi de tout crin, Solo n’en retient que les éléments les plus simplistes et convenus : une duplicité permanente, des trahisons incessantes de tous envers tous, qui intriguent avant de franchement lasser. C’est bien connu : rien n’est plus prévisible que l’imprévisible… Autre point faible, et pas des moindres : on ne voit rien. La remarque paraît facile et arbitraire, mais le fait est que le parti-pris visuel de décors grisâtres et d’une lumière blafarde (là encore, l’inspiration est à aller chercher du côté du western, en l’occurrence de John McCabe d’Altman). Le chef opérateur est talentueux, mais un choix aussi radical ne colle pas avec un projet aussi balisé, qui plus est avec une 3D toujours plus approximative. Se casser les yeux pendant 2 h 15 de film, c’est long, surtout vers la fin.

Cherchez la femme
 
Face à cet horizon cimenté, Solo rend rapidement les sabres lasers, et se contente finalement de respecter de façon très linéaire ce que peut ou doit être un préquel, et déroule les éléments fondateurs d’Han comme on coche des cases. Chewbacca ? Check. Le Faucon Millenium ? Check. La relation trouble avec Lando Calrissian ? Check. Seule la fameuse cicatrice au menton d’Harrison Ford n’a pas voix au chapitre – celle du jeune Indiana Jones, elle, avait droit à sa propre origine. Dans une scène qui est, c’est selon, une idée assez rigolote ou incroyablement stupide, le film évoque même Le Parrain 2, matrice originelle de tous les préquels de cinéma : initialement dénué de nom de famille, le jeune Han s’en voit attribuer un par un officier des douanes, qui le nomme Solo parce qu’il… voyage seul. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Le défilé de clichés ne s’arrête pas là : si Han devient ensuite si solitaire et méfiant, c’est parce qu’il a – évidemment – été doublé par la femme qu’il aimait. « Derrière chaque grand homme se cache une femme » dit l’adage, et derrière chaque grand rebelle se cache une femme qui l’a déçu. Un trope décidément bien pratique que le cinéma n’hésite pas à utiliser depuis déjà belle lurette ; voir Le Secret de la Pyramide, Le Syndicat du Crime 3 ou plus récemment Casino Royale.
 
Et maintenant Chewbacca, on va où ? Vu l’incapacité de Solo à tutoyer les étoiles comme ses prédécesseurs l’ont fait, on ne serait pas étonné que Han soit de nouveau congelé par Jabba the Hutt Disney, qui s’est peut-être rendu compte que donner des origines satisfaisantes à un personnage aussi culte était une idée proprement suicidaire. Alden Ehrenreich a lui semble-t-il signé pour trois films dans le rôle, et sa prochaine apparition pourrait être dans le film centré sur Lando Calrissian, qui est un peu à Solo ce que Fonzie était à Happy Days ; à la fois son personnage le plus intéressant et le mieux sapé. Ensuite, peut-être un crochet ou tout du moins un caméo par un film Boba Fett, déjà prévu dans le plan quinquennal de Disney. Maintenir le personnage en vie plus longtemps que ça finirait par tenir de l’acharnement même plus thérapeutique.

Solo : A Star Wars Story, Ron Howard, 2018. Avec : Alden Ehrenreich, Donald Glover, Emilia Clarke, Woody Harrelson, Thandie Newton.

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