Pour ou contre, Thor : Love and Thunder ? Face B : Si j'avais un marteau...
… je cognerais Kevin Feige, Taika
Waititi, Chris Hemsworth et tous ceux qui ont participé à la création de ce
film. Sérieusement, comment Disney-Marvel a pu avaliser et distribuer ce truc inabouti, à peine montrable ?
Qu’on soit client ou pas, le Marvel Cinematic Universe est grosso modo peuplé
de gens qui connaissent leur boulot, et arrivent la plupart du temps à proposer
du cinéma populaire divertissant et engageant. Mais, de temps à autre, la
machine se grippe et l’objet proposé est carrément indéfendable. C’était le
cas avec Iron Man 3, c’est aujourd’hui le cas avec Thor :
Love and Thunder. Que la Maison à la Souris rassasie, sans sourciller,
son public avec ce genre de bousins bancals et mal fagotés en dit finalement
long sur le cynisme et le sentiment d’omnipotence et d’impunité de ce studio.
Par où commencer ? L'histoire n'a ni queue ni tête. Le film empile les arcs narratifs de ses divers personnages sans le moindre souci de cohérence ou d'homogénéité dans le ton (revoir Avengers : Endgame et son bel équilibre pour voir ce que le MCU est vraiment capable de faire en la matière). L'apparition des Gardiens de la Galaxie n’a aucune utilité, si ce n’est faire joli dans la bande-annonce. Les talentueux (et oscarisés) Christian Bale et Natalie Portman jouent comme des tentes Quechua. Russell Crowe, son pagne, et son accent chelou semblent échappés d'un mauvais sketch des Monty Python. L'affrontement final avec un soi-disant « Boucher des Dieux » inoffensif est un non-événement absolu. Seule qualité rédemptrice du film : il ne dure pas 2 h 30 !
En attendant Thanos
Tout cela ne serait finalement
pas si grave si ce n’était assez révélateur de la stratégie actuelle, ou de
l’absence de ladite, du studio avec l’univers ciné Marvel. Car depuis 2019 et Endgame,
film qui venait parachever une décennie de longs-métrages interconnectés et
sonner le glas de la saga telle qu’on la connaissait, Marvel se tourne, se
retourne, mais échoue hélas à trouver le bon cap. Dans un récit manichéen comme
celui-ci, une direction où aller passe avant tout par un ennemi commun, bouc
émissaire qui saura générer envers lui un esprit de corps. Or, depuis la chute
de Thanos, le MCU est privé d’adversaire digne de ce nom et ressemble
furieusement à une relecture d’En attendant Godot à la sauce
secrète Marvel. D’ici là, on « promeut » donc les capés maison au
rang de super-vilains : peut-être que ce sera Wanda, la femme au foyer enragée ? Mais peut-être que non ?
Une absence de but particulièrement criante concernant Thor, l’un des derniers Avengers d’origine à ne s’être pas rangé des voitures. Avengers : Infinity War puis Thor : Ragnarok avaient donné sa rédemption au personnage, qui en sortait grandi, loin de l’histrion nordique qu’il était à ses débuts. Très logiquement, Love and Thunder n’a rien à lui faire faire et dire de plus. Aucun enjeu, aucune destination à atteindre, puisqu’on y est déjà ! Iron Man a vu son pacemaker du turfu débranché, Captain America coule des jours heureux à l'Ehpad, Black Widow a été sacrifiée sur l’autel de la narration ; quoiqu’il en soit, tous ont eu le bon goût de laisser l’attirail et les responsabilités à d’autres…
Et maintenant, on va où ?
Privé de destination finale,
désireux de jouer sur tous les terrains et les supports à la fois, le MCU
s’éparpille. D’autant que ses derniers résultats sont pour le moins
mitigés : les films visant à introduire de nouveaux personnages (Shang-Chi,
Les Éternels) ont été des semi-succès, là où le public semble
plébisciter ceux qui se la jouent père peinard en carburant au fan service et
aux caméos gratuits (Spider-Man : Far From Home, Doctor Stange in
the Multiverse of Madness). Et le fameux « multivers » aux potentialités infinies sert surtout à colmater des brèches désormais de plus en plus béantes.
À l’heure où l’on écrit ces
lignes courroucées, on apprend justement que Kang, « homme derrière le rideau »
déjà entraperçu dans Loki, est appelé à devenir le nouveau boss de fin du MCU,
dans deux films Avengers d’ores et déjà prévus pour 2025. D’ici
là, pas impossible que des objets largement inconséquents comme Love
and Thunder se multiplient. Pas impossible non plus qu'ils reçoivent un
beau succès public et critique. Un cas de figure qui porte un nom bien précis :
le syndrome de Stockholm.
Thor : Love and Thunder, Taika Waititi, 2022. Avec : Chris Hemsworth, Natalie Portman, Tessa Thompson, Christian Bale, Russell Crowe.
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