Abigail, fifille dents d'acier
Il y a sept ans presque jour pour jour, La Momie millésime Tom Cruise se prenait les pieds dans les bandelettes au box-office, ensevelissant avec lui toute tentative de « Dark Universe » faisant la part belle aux créatures du studio Universal. Oserait-on dire que c’est la meilleure chose qui aurait pu arriver à ces bébêtes ? Oui, on oserait : cette débâcle a incité le studio à changer son fusil d’épaule et à faire ce qu’il y avait de mieux : réinterpréter chaque monstre de façon autonome et le confier à un cinéaste qui fera joujou avec. Après Invisible Man, qui partait du personnage iconique pour en faire la métaphore d’un mari abusif, et Renfield, dans lequel Nicolas Cage pastichait Bela Lugosi, bievenue à Abigail, héroïne éponyme de La Fille de Dracula, qui sert de base à ce nouveau volume.
Le changement de titre n’est pas fortuit, tant cette modernisation trace son sillon loin de son prédécesseur. Exit donc la Transylvanie et le professeur Van Helsing, qui laissent la place à une intrigue expéditive façon Ils étaient dix – le livre d’Agatha Christie est même cité nommément – et les tropes du thriller 90s, Reservoir Dogs (pour les truands confinés affublés de surnoms décalés, en l’occurrence les membres du Rat Pack) et Usual Suspects (car le traître pourrait bien se cacher parmi les loufiats sous un nom d’emprunt) en tête. Ce n’est sans doute pas un hasard, les réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett se sont faits la main en ressuscitant (honorablement) une saga culte des années 1990, Scream.
Si les personnages sont stéréotypés et les enjeux réduits (rester vivants face à la Vilaine Petite Louve), l’objectif du film est lui limpide : orchestrer une chasse gardée où tout le monde peut être sacrifié, sans espoir de revenir dans une scène post-générique ou via des pseudo-trous de (multi)vers. Une conception presque régressive du cinéma populaire, peut-être nostalgique d’une époque où l’on pouvait aller au multiplexe sans avoir « fait ses devoirs » – c’est-à-dire sans s’être fadé des heures et des heures de programmes divers pour comprendre qui sont les personnages à l’écran. Ici, les cadavres sont livrés par pleines brouettes et l’hémoglobine par hectolitres. Une certaine idée de la série B efficace et sans fioritures.
Abigail, Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett, 2024. Avec : Melissa Barrera, Dan Stevens, Kevin Durand, Kathryn Newton, Angus Cloud.