Reminiscence, cerveau lent
Le temps et la mémoire, son corollaire inévitable, sont le grand sujet et le fonds de commerce de Christopher Nolan, depuis le bien-nommé Memento jusqu’aux barres parallèles de Dunkerque, en passant par les poupées russes mémorielles d’Inception. Une thématique qui est semble-t-il une affaire de famille, puisque le duo qui chapeaute ce Reminiscence est formé par le frère (Jonathan) et la belle-sœur de l’ami Cricri (Lisa Joy). Un couple à la prod’ comme à la ville qui nous avait déjà fait le coup avec la série Westworld et sa narration façon jeu de mikado (une palanquée de temporalités balancées ensemble – et débrouillez-vous pour vous en démêler), ils remettent aujourd’hui le couvert avec ce voyage futuriste aux confins du cerveau.
Ici, l’avenir est, comme partout ailleurs, lugubre, et constitue un genre de pot-pourri des fantasmes collapsologistes actuels : désastre écologique, machines toutes-puissantes, guerre civile ET contre un ennemi extérieur inconnu… Tout y est, rien ne manque. Pourtant, si le film parie sur ces hypothèses plus ou moins réalistes, l’idéologie qui gouverne sa civilisation est déjà là, bien installée. Cette époque, qui par le biais d’une technologie toujours plus immersive, soigne comme elle peut son addiction à sa propre nostalgie, c’est évidemment la nôtre. Qu’il s’agisse des téléphones à clapet, des Pokémon, des remakes de films 90s ou des hologrammes de chanteurs morts, la nostalgie est partout, palliatif idéal à un présent invivable et un futur déjà condamné (d’après le GIEC tout du moins).
Paradoxalement, ou ironiquement, Reminiscence semble lui-même coincé dans la même zone de confort que bon nombre de ses prédécesseurs : on songe au Faucon Maltais, à Chinatown, Blade Runner, Waterworld, Ouvre les Yeux et son remake Vanilla Sky et jusqu’à, eh oui, Westworld. Comme si l’incapacité de tout un sous-genre de la science-fiction de se renouveler découlait directement de notre incapacité sociétale à concevoir un autre monde. Et qu’il était plus facile et plus jouissif de se faire un fix de nostalgie saccharinée plutôt que d’imaginer d’autres lendemains.
Reminiscence, Lisa Joy, 2021. Avec : Hugh Jackman, Rebecca Ferguson, Thandiwe Newton, Daniel Wu, Brett Cullen.
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