Indiana Jones et le Cadran de la destinée, tchao pantin
C’est donc ça le baroud
d’honneur, le dernier tour de piste, l’ultime révérence accordée au mythe
Indiana Jones pour finir en beauté et supposément laver les péchés du
précédent opus ? Avouons-le sans mal : jusqu’au bout du bout, jusqu’à ce que les lumières s'éteignent, on aura voulu y croire – ce qui rend sans aucun doute
l’échec de ce Cadran de la destinée d’autant plus pénible. Ni la
gestation compliquée du film, ni le départ de Spielberg (parti pour réaliser
The Fabelmans), ni le mauvais bouche-à-oreille propagé depuis Cannes n’auront
eu raison de notre optimisme aveuglé. Ce qui nous impose à présent cette
remarque en forme d’auto-critique : vivre dans le déni, c’est mal.
Tout, pourtant, est fait par
Disney pour nous assurer que non, non, rien n’a changé et que tout, tout va
continuer comme jadis. John Williams est à la musique, les vieux compagnons de route
spielbergiens Kathleen Kennedy et Frank Marshall à la production, tandis que
David Koepp (scribe des deux premiers Jurassic Park et du Royaume du crâne de cristal) est l’un des quatre scénaristes
crédités. Quant à James Mangold, s’il est un faiseur inégal, on lui doit tout de
même l’un des plus beaux adieux récents à un personnage iconique, le Logan de
Wolverine. (Qui reviendra finalement dans le prochain Deadpool. Tout ça pour ça…)
Mais l'illusion s'estompe vite.
Chaque séquence des 2 heures 34 de métrage serait parfaitement fonctionnelle si
l’on avait eu le bon goût de la raboter un peu ; rien à voir avec la ligne claire trépidante et tintinesque de la première trilogie. Et pour faire monter la sauce après
les précédents volets, le script obéit à la logique hollywoodienne de la surenchère
à tout prix : après les bidules occultes comme l’arche d’Alliance ou le
Saint-Graal puis les extraterrestres, le voyage dans le temps ! Plus
embarrassant encore : cette impression tenace de voir Indy jouer
les seconds couteaux dans son propre film et le père Harrison traîner la patte
alors qu’il est probablement déjà trop vieux pour ces fadaises. La scène d’ouverture,
où il apparaît rajeuni numériquement, n’a pour effet pervers que de nous rappeler un
temps où Ford était plus fougueux et plus alerte.
Finalement, c’est peut-être le personnage d’Helena Shaw – faisant jeu égal avec Jones jusqu’à lui voler quasiment la vedette – qui résume le mieux les velléités de Disney avec ce si peu charnel numéro 5. Cette jeune femme, drôle et pétulante, est initialement présentée comme la relève toute trouvée d’un mentor déjà dépassé ; in fine, on apprend qu’elle n’est qu’une dealeuse d’antiquités attirée par l’appât du gain. Quand les héros d’hier se battaient pour des causes vaguement idéalistes et romantiques – exposer les artefacts dans des musées, fût-ce au service d’une vision très étroitement ethnocentrée –, il n’y en a aujourd’hui que pour les pépettes. La moulaga ou rien.
Indiana Jones et le Cadran de
la destinée est peut-être le film avec lequel les masques tombent pour de
bon : depuis son rachat de Lucasfilm en 2012, la maison aux grandes oreilles
n’a rien fait d’autre que s'adonner au pillage de tombes. Disney ressuscite Star Wars pour nous
livrer une dernière trilogie dispensable, Disney sacrifie Han Solo et Obi-Wan Kenobi sur l’autel du conservatisme narratif, Disney utilise Willow pour balancer
du « contenu » sur sa plateforme de streaming avant de s'en débarrasser prestement, etc. Dans ces séquelles sans
âme, les amis de jeunesse (Mark Hamill et Carrie Fisher hier ; John Rhys-Davies
et Karen Allen aujourd’hui ; Harrison Ford tout le temps) sont sommés de
revenir. Sur leurs visages ridés, on ne lit hélas que le temps qui passe et le signe qu’il est temps de laisser les franchises d'hier mourir en paix.
Indiana Jones et le Cadran de la destinée (Indiana Jones and the Dial of Destiny), James Mangold, 2023. Avec : Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, Boyd Holbrook, Toby Jones.
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